Aberration : quand un projet routier enterré illustre la volonté d’accélérer le développement… des projets éoliens

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contournement Beynac

Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables va être présenté au sénat. Comment le ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher va-t-il bien pouvoir défendre son article 4 – l’ « article Beynac » – totalement hors sujet ? Sans compter qu’il mélange tout, au nom d’une situation dans laquelle les promoteurs éoliens ne se retrouvent jamais.

Souvenez-vous, un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables est récemment sorti du chapeau du gouvernement. S’il amène à penser que des passerelles entre alliés ont été tendues, il introduit en tout cas un article -le numéro 4- qui s’appuie sur le fiasco exemplaire du projet… routier de Beynac. Oui, l’affaire est bigrement audacieuse et promet d’imposer un exercice d’équilibriste au ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher qui suscite la curiosité.

Reprenons ce fameux article 4, cet « article Beynac » qui se trouve au beau milieu d’un projet de loi qui concerne… les éoliennes.

Il est écrit : « Reconnaître la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour les projets d’énergies renouvelables et prévoir que la déclaration d’utilité publique (DUP) puisse valoir reconnaissance du caractère d’opérations répondant à des RIIPM ». Puis, dans la rubrique 2-1, on lit qu’il y a « nécessité de légiférer ».

Agnès Pannier-Runacher explique que « Le dossier du contournement routier de Beynac, largement relayé dans la presse, est un parfait exemple de (cette) nécessité ». Le ministre décrit la situation administrative et économique de ce dossier. Avant de conclure : « C’est pour donner les moyens aux porteurs de projets d’éviter cette situation que la disposition envisagée intervient. »

Illustrer un projet de loi concernant l’accélération des énergies renouvelables avec le dossier du contournement de Beynac est déjà clairement hors sujet.

Pour rappel, le projet routier du contournement de Beynac n’a aucunement pour objet la production d’énergie renouvelable ni la lutte contre les gaz à effet de serre, comme évoqué dans l’entête du projet de loi.

Non, feu le projet de Beynac n’a rien à faire là.

Pourquoi ? Au plan technique, l’autorisation environnementale unique qui était requise dans ce projet routier relève de la réglementation sur les Installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA). Quand, dans le cas d’un projet éolien, c’est une autorisation unique qui relève des Installations classées protection de l’environnement (ICPE) qui est exigée.

La distinction de ces deux autorisations environnementales uniques -IOTA, ICPE – a été opérée dans le cadre de la modernisation du droit de l’environnement et des démarches administratives et applicables en 2017.

Oser pareil mélange pour rédiger un projet de loi en 2022 laisse sans voix.

Les démarches administratives permettent précisément d’offrir au pétitionnaire une meilleure visibilité des règles qui s’appliquent à son projet.

Les deux notions convoquées dans l’article 4 du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables – « reconnaître une RIIMP pour les projets d’énergies renouvelables » et « prévoir que la DUP puisse valoir reconnaissance du caractère d’opérations répondant à des RIIPM »valent pour les projets d’énergies renouvelables, qui nécessitent une autorisation unique ICPE… et non IOTA comme c’était le cas pour le projet de contournement routier de Beynac.

Que de confusion, que de confusion.

Par ailleurs, les projets faisant l’objet d’une autorisation ICPE sur lesquels ce projet de loi porte sont des projets engagés et financés par des promoteurs : ce sont des projets privés. Quand le projet de contournement routier de Beynac, qui faisait l’objet d’une autorisation IOTA, a été porté et financé par le Département de la Dordogne : c’est un projet public.

En clair, les premiers sont financés par des entreprises et le second, qui n’aboutira jamais au demeurant, a été payé par les contribuables.

Le fiasco du projet de déviation de Beynac tient à la décision du Département d’engager les travaux et l’argent public alors que la procédure juridique sur le fond initiée par les opposants à l’idée de cette déviation restait à examiner. Autrement dit, le Département s’est affranchi de la décision que la justice devait rendre, la collectivité s’est passée de savoir si son projet était légal ou illégal.

La légèreté et/ou le mépris de la justice dont le Département de la Dordogne a témoigné dans ce dossier prévoyant une demande ICPE est du jamais vu. C’est en cela que le fiasco du projet de Beynac est exemplaire.

Aucun promoteur n’engagerait ses propres fonds sans être sûr que son projet est légal.

Ainsi, cette prétendue « nécessité de légiférer » s’appuie sur un cas hors sujet pour dénoncer une situation dans laquelle les promoteurs de projets d’énergies renouvelables ne se retrouvent jamais.

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