Démolition du chantier de Beynac : le bras de fer continue entre le préfet et le Département de la Dordogne… jusqu’à ce que la justice hausse le ton ?

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à la uneDémolition du chantier de Beynac : le bras de fer...
Les ouvrages d’art du contournement de Beynac sont toujours campés dans la Dordogne, malgré l’injonction de la justice à démolir et à remettre le site en l’état (DR)

La démolition du chantier de feu le projet de la déviation de Beynac et la remise en état du site ont beau être une injonction de la justice, assortie d’une date limite d’exécution qui plus est, les comités de suivi environnemental se suivent et se ressemblent : les services de la préfecture de la Dordogne rappellent le droit au Département de la Dordogne, qui conteste l’interprétation qu’ils en font. Total : le chantier est toujours là, alors qu’il ne le devrait plus depuis bientôt 7 mois… Pourtant, le compte-rendu de la 6e réunion -sachant que le 5e n’est pas en ligne ce vendredi 09 juillet 2021- indique que trois personnes morales et deux personnes particulières ont demandé à la cour administrative d’appel de Bordeaux que sa décision soit appliquée. À savoir si, en lanternant, le Département s’expose à une nouvelle mesure judiciaire et, dans cette hypothèse, de quelle nature elle pourrait être.

Comité de suivi environnemental de la démolition du chantier du contournement de Beynac, sixième. Il a eu lieu le 1er juin 2021. Le président du Département de la Dordogne Germinal Peiro était absent.

La réunion a commencé par une mise au point de la direction départementale des territoires (DDT 24, service préfectoral), qui a exigé que l’observation qu’elle avait émise sur le risque falaises lors du précédent comité soit retranscrite puisqu’elle ne figurait pas dans son compte-rendu, alors que celle de la collectivité était, elle, incorporée. Le Département avait en effet fait consigner, le 1er avril (5e comité, donc, qui n’est pas en ligne ce jour) que les falaises qui menacent de tomber, en surplombant les routes départementales, était « en lien » avec le contournement de Beynac « puisque l’évitement des falaises à risque de Saint-Vincent-de-Cosse et de Beynac est un de (ses) objectifs ». Or, sur la responsabilité de l’État sur ces deux communes, la DDT 24 « ne partage pas l’analyse » de la collectivité, précisément. Avant de dire pourquoi : « l’étude Géolithe montre que les falaises de Beynac et de Saint-Vincent-de-Cosse fonctionnent géologiquement de manière différenciée ». Avec cette mise au point préliminaire, le ton était donné.

Que le Département dépose un dossier de demande d’autorisation de travaux… et le préfet sera contraint de décider d’un non-lieu à statuer

Ensuite, depuis le 5e comité de suivi, le préfet Frédéric Perissat a adressé un courrier au Département de la Dordogne -le 19 mai 2021- dans lequel il rappelle, Un, que, conformément à « l’autorité de la chose jugée », l’injonction de démolition et de remise en état du site prononcée par la justice vaut autorisation de travaux… quand la collectivité maintient que non, invoquant le respect du Code de l’environnement et des responsabilités du président du Département en matière d’atteintes à l’environnement, toujours. Sauf que si la collectivité persiste à projeter de déposer un dossier de demande d’autorisation, le préfet ne pourra faire autrement que de prendre une décision de non-lieu à statuer.

« L’État considère qu’une optimisation du calendrier des travaux est possible (et le Département serait bien inspiré d’intégrer la nécessité d’un démarrage rapide) »

Une partie des ouvrages d’art, pour l’heure investie, début mars 2021 (DR)

Deux, « l’État considère qu’une optimisation du calendrier des travaux est possible ». Autrement dit, merci à la collectivité de se hâter moins lentement. Déjà, le Département serait bien inspiré d’intégrer que la « nécessité d’un démarrage rapide » du chantier de démolition est bien un postulat.

« Aucune nécessité à reprendre totalement les investigations environnementales (sauf à vouloir traîner des pieds) » 

Trois, le représentant de l’État ajoute que reprendre « totalement » les investigations environnementales « allongerait sans nécessité le démarrage des travaux ». C’est pointer que le Département n’a pas matière à traîner des pieds pour démolir.

« Le Département tient à respecter la décision de justice strictement au lieu de l’interpréter » 

Rien ne bouge dans le lit de la Dordogne (DR)

Quatre, le préfet fait part de sa réflexion sur la possibilité d’une démolition qui s’effectuerait « en termes d’équivalence de surfaces et de fonctionnalités des habitats détruits » : la collectivité y a-t-elle pensé, ne serait-ce pas une idée opportune ? Non, tranche le Département de la Dordogne, qui soutient ne pas avoir à « interpréter » la décision de justice, mais à la respecter « strictement ». Pourtant, ce principe d’équivalence est bel et bien prévu dans un arrêté du 30 juin 2020, maintient Frédéric Perissat, et il y a ainsi matière à déconstruire plus vite.

« Quoique le Département en dise, il n’y a aucun rapport entre le risque falaises et la démolition du contournement de Beynac »

Le chantier de la démolition est au point mort (DR)

Enfin, Cinq, entre le risque falaises et la démolition du chantier de contournement donc, il n’y a aucun rapport, souligne Frédéric Périssat, point de vue radicalement différent de la collectivité, qui insiste sur, au contraire, l’existence d’ « un lien ténu ». Le Département en veut pour preuve « notamment » la survenue d’un « événement récent » et il convoque alors l’ « éboulement » qui a eu lieu à Beynac en janvier dernier. Non seulement cet « éboulement » a menacé la sécurité des usagers de la RD703, souligne-t-il, mais, pour remettre la falaise en état, quelle affaire quand elle est la propriété de personnes privées, et quelle affaire encore pour rétablir une « circulation normale et sécurisée ». Pour rappel, le 28 janvier 2021, un muret s’était affaissé, entraînant la chute de quelques pierres sur la RD703, et le Département avait, en réaction, stoppé la circulation, avant de la rétablir sur une seule voie, avec la mise en place d’un alternat. La pertinence de cette mesure, qui avait en outre duré, avait beaucoup interrogé (c’est ICI). Le Département n’avait toutefois pas fini de répondre au représentant de l’État : l’éboulement de ce muret démontre à ses yeux que les magistrats de la cour administrative d’appel se sont fourvoyés : le risque falaises est avéré, quand ils l’ont jugé aléatoire.

La justice saisie pour que le Département exécute sa décision 

Ce 6e comité de suivi a bien permis de constater qu’entre les services de l’État et le Département de la Dordogne, le bras de fer continuait. Mais il met toutefois sur la table un élément nouveau : l’intervention des associations Demeure historique, SEPANSO Dordogne, de l’entreprise Newell Enterprises, et de deux particuliers, qui ont, le 16 décembre 2020, demandé à la présidente de la cour administrative d’appel de Bordeaux s’il était possible que sa décision soit enfin exécutée. De son côté, le Département lui a écrit, le 13 janvier 2021, pour exposer « les enjeux techniques et juridiques » qu’il y avait à prendre en considération, ce qu’il avait déjà réalisé… et, peut-on comprendre, pourquoi le principal de ce reste à charge ne l’est toujours pas. Or, depuis, la collectivité est sans nouvelle de l’instruction en cours. À savoir si celle-ci pourrait aboutir à une nouvelle mesure, qui presserait le Département de se dépêcher d’appliquer l’injonction à démolir et à remettre le site en l’état. Or, comment presser si ce n’est en sanctionnant le retard pris ?

Le Département envisage 30 mois de travaux, sachant que des aléas peuvent survenir 

Vue sur une partie des ouvrages d’art, toujours campés dans la Dordogne (DR)

Non pas un… mais deux éléments nouveaux se sont en réalité invités à ce 6e comité de suivi, au demeurant. Le Département a en effet trouvé autre matière à retarder l’engagement des travaux de démolition : la découverte du Traquet motteux, un oiseau migrateur protégé, qui lui impose, indique-t-il, de procéder, au préalable, à une nouvelle demande de dérogation espèces protégées… ce qu’il prévoit de faire en septembre ou octobre prochain… Bref, le calendrier qu’il envisage établit que 30 mois seront nécessaires pour exécuter la décision de justice, au bas mot -ne serait-ce qu’en songeant à la Dordogne qui sortirait de son lit, entraînant inévitablement un ralentissement. Sans surprise, la DDT 24, ne partage pas cette appréciation… et elle le redit…

Le Département estime le coût du chantier à 12,5M€, en prévenant qu’il s’agit bien d’une estimation

Côté coût prévisionnel de ce chantier de démolition qui ne démarre pas : 12,5M€, montant à peu près confirmé par le cabinet d’ingénierie EGIS, qui avance une somme comprise dans la fourchette 10 à 12,5M€. En insistant l’un et l’autre : il s’agit d’une estimation, impossible aujourd’hui à affiner.

1 COMMENTAIRE

  1. On voit le département en train de s’acharner à trouver des raisons pour retarder la démolition des ouvrages dans l’espoir d’inverser la vapeur à la moindre éclaircie politique ! Hidalgo ?
    Lui qui en 2017 et 2018 ne montrait pas le moindre scrupule à faire déguerpir les gênantes chauves-souris (espèces protégées) des granges à démolir, à sacrifier les oiseaux nicheurs de la ripisylve et la prairie sèche au pied de La Treille (terrain de chasse du circaète Jean-le-Blanc) pour « blanchir » son projet et son étude d’impact environnementale (EIE), le voila qui invoque le traquet motteux pour atteindre son but ultime de finaliser la déviation, sans réfléchir au fait que le même traquet motteux lui sera mis en « travers de sa route » à l’occasion de la nouvelle EIE qu’il sera obligé de refaire pour relancer le projet ! Ce qui, entre nous, si Hidalgo est élue à la tête des socialistes ou d’une coalition écolo-gauche, ne me parait pas conforme au registre de la patronne de Paris, grande pourfendeuse de l’usage de la voiture dans les grandes villes (et j’en suis sûr aussi dans les belles vallées protégées !). Bref, le département retournera à la case départ, avec un projet de voie douce de la vallée : voie cyclable et voie pédestre (pourquoi pas aussi voie équestre), en accrochant des passerelles légères aux deux ponts SNCF existant, et en utilisant les terrains déjà acquis par le département en face Beynac pour faire passer ces moyens de déplacements écologiques.

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