
Voilà maintenant plus d’un an que la cour administrative de Bordeaux a enjoint le Département de la Dordogne de démolir le chantier de la déviation de Beynac et de remettre le site en l’état. En saisissant le Conseil d’État, la collectivité n’empêchait pas le délai de courir… et il se trouve que la plus haute juridiction administrative en France a considéré ses recours infondés, le 29 juin 2020, mettant ainsi un terme définitif au projet de contournement. Reste que les emblématiques piles de pont restent plantées dans la rivière, après un été militant du président du Département Germinal Peiro pour dénoncer « l’injustice » faite au territoire. Au vu des comptes rendus du comité de suivi écologique, le porteur du feu projet a semble-t-il décidé d’entamer un bras de fer avec les services de l’État. Face à une situation de blocage partie pour durer, de nouvelles procédures viennent d’être engagées par deux particuliers et une personne morale auprès du président du tribunal administratif d’appel de Bordeaux. À la clé, pour les requérants : la décision d’assortir le jugement rendu fin 2019 d’une astreinte journalière, qui pourrait cette fois décider le Département à engager les travaux, faute de gréver la facture déjà exorbitante de la déviation.
10 décembre 2019. La justice donne un an au Département de la Dordogne pour procéder à la démolition du chantier entamé de contournement de Beynac. Le délai continue de courir quand la collectivité se tourne, en février 2020, vers le Conseil d’État pour tenter de renverser cette décision. Fin juin 2020, le dossier de la déviation est définitivement clos : les recours de la collectivité n’ont, selon l’expression consacrée, « pas passé la barre de la commission » de la plus haute juridiction administrative en France.
05 août, puis 28 septembre, et enfin, 23 novembre 2020. Si les trois comités de suivi écologique se sont bien réunis, comme l’arrêté du préfet de la Dordogne Frédéric Perissat l’imposait, ils ont tour à tour buté sur une aporie : en résumé, le Département invoque la nécessité d’ « études supplémentaires » pour entamer les travaux de démolition, dont le terme s’en trouverait alors notablement repoussé, quand les services de l’État martèlent qu’il n’y en a pas besoin. Les dialogues rapportés dans les comptes rendus tournent au dialogue de sourds, voire à la farce.
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Le fiasco de la déviation de Beynac paraît s’être déplacé sur le terrain politique
Que le représentant de l’État sorte de ses gonds et assigne le Département devant la justice pour qu’il s’exécute, et le chantier de la démolition serait bien commencé un jour… lointain, encore plus lointain que la collectivité ne le prévoit déjà -elle évoque pour sa part l’été… 2023. Quoiqu’en dise le président du Département Germinal Peiro, il n’existe aucune possibilité d’enjamber une décision de justice. Et le rappeler n’équivaut pas à porter les couleurs de l’écurie des opposants historiques à cette idée de déviation. Le président Peiro peut-il ignorer qu’il mène un combat vain ? Il y a lieu d’en douter. Comme on peut s’interroger sur le sens qu’il y a à traîner des pieds pour appliquer un jugement définitif. Depuis l’été 2020, le fiasco du contournement de Beynac paraît s’être déplacé sur le terrain politique. À une époque où l’on avait en tête que les élections départementales se tenaient en mars 2021. Aujourd’hui, en raison de l’épidémie de Covid-19, le principe du report du scrutin est pratiquement acquis… et on s’achemine vers la fixation d’une nouvelle date, en juin 2021.
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Le Département exposé au risque d’une augmentation de la facture de la déviation
14 décembre 2020. Le propriétaire Newell enterprises du château de Fayrac, Philippe d’Eaubonne, en qualité de président de l’association Sauvons la Vallée de la Dordogne mais aussi en qualité de particulier, ont adressé un mémoire au président du tribunal administratif de Bordeaux. Il y est indiqué que les travaux de démolition et de remise en état du site n’ont pas commencé -ni au plan terrestre, ni au plan fluvial- et que le délai pour leur achèvement est… inévitablement dépassé. Des éléments de preuve matériels sont joints, en appui. Pour mémoire, de son côté le Département de la Dordogne a encore indiqué, lors du dernier comité de suivi écologique fin novembre qu’il avait « respecté l’injonction en ce qu’il a engagé le processus de démolition dans le mois qui suit la décision de justice », s’appliquant d’ailleurs à écarter l’idée d’une mauvaise volonté quand il ajoute qu’il « poursuivra sa démarche dans le respect des préconisations de l’arrêté préfectoral du 30 juin 2020 ».
Si le président du tribunal administratif d’appel de Bordeaux venait à valider leur constat -hypothèse imaginable- le Département de la Dordogne pourrait être plus pressé d’engager le chantier de la démolition. Le risque encouru est en effet qu’une astreinte journalière soit décidée. En clair, que la justice frappe la collectivité au portefeuille. Pour peu que le calendrier de celle-ci se télescope avec celui de la campagne des Départementales 2021, les Périgourdins auraient une nouvelle occasion de se souvenir que le fiasco du contournement de Beynac a déjà coûté environ 70 M€. Sans compter les frais alloués à la défense de son principe, dont ceux qui ont été engagés alors qu’il était établi qu’aucune solution ne pouvait plus faire renaître le projet.