
En Dordogne, les élus, désignés « responsables publics », soumis à une obligation de déclaration d’intérêts auprès de la haute autorité à la transparence de la vie publique (HATPV) sont au nombre de 21. Parmi eux, il y 4 députés, 2 sénateurs et 15 conseillers départementaux (dont le président du Département). En revanche, on ne compte que 19 déclarations publiées et publiques, conformément à la réglementation et, dans ce lot, il y en a 2 qui dérogent aux obligations… sachant que, plus exactement, l’une d’elles y a dérogé au titre de ce mandat jusqu’au 05 octobre dernier.
Côté députés, les déclarations d’intérêts des élus de la Dordogne sont complètes et elles ont été régulièrement actualisées.
Côté sénateurs, les déclarations d’intérêt des élus de la Dordogne restent à publier, malgré l’obligation qui leur incombe de le faire dans les deux mois qui suivent le jour de leur élection : ainsi, l’élu PS Serge Mérillou et l’élue PCF Marie-Claude Varaillas accusent aujourd’hui un retard de 15 jours. Peut-il être imputable à un délai de traitement par la HATVP ? Selon un juriste patenté, il y a lieu d’en douter. Pourtant…
… pourtant, le sénateur PS Serge Mérillou a fait savoir, le 18 décembre 2020, qu’il avait bien transmis sa déclaration d’intérêts et d’activités ainsi que sa déclaration initiale patrimoniale, en précisant à quelles dates (12 et 22 novembre 2020), et il a fourni les accusés de réception électroniques de la HATVP. Par ailleurs, il a annoncé que son homologue Marie-Claude Varaillas avait fait de même, le 12 octobre -les accusés de réception doivent suivre, ce ne serait qu’une question de temps.
En attendant, le sénateur Marie-Claude Varaillas a, le 05 octobre 2020, renoncé à sa fonction de vice-président au Département, conformément à la loi sur le cumul des mandats. C’est le conseiller départemental Juliette Nevers qui est devenu vice-président. Marie-Claude Varaillas aurait donc publié sa déclaration d’intérêts et sa déclaration initiale patrimoniale -le retard engrangé serait donc dû aussi au délai de traitement de la HATVP. La confirmation est attendue (voir le message du 26 décembre 2020 de Marie-Claude Varaillas, plus bas).
Côté conseillers départementaux, sur les 15 élus de la Dordogne concernés par l’obligation de déclaration d’intérêts, deux les ont publiées… sans les remplir.
Ainsi, la déclaration d’intérêts de Marie-Claude Varaillas, qui a été en charge d’une fonction de vice-président jusqu’au 05 octobre 2020, date du 25 janvier 2016 (la HATVP retient la date du 28 octobre 2016) et mentionne « NÉANT » dans l’ensemble des rubriques, sans exception (y compris dans le cadre réservé aux observations donc).
De même, si la déclaration d’intérêts du vice-président à l’économie et à l’emploi Colette Langlade a été renouvelée le 31 mai 2015 (après son mandat de député; la HATVP retient la date du 28 octobre 2016), en face des fonctions électives mentionnées, aucun montant concret ne figure (et le cadre réservé aux observations est vide lui aussi).
Les deux élus départementaux, en ayant produit des déclarations vides, manquent à leurs obligations.
Toutefois, en redevenant simple conseiller départemental, Marie-Claude Varaillas n’en a plus… au titre de sa délégation au Département. Force est de constater que, pendant plus de 4 ans, la HATVP ne l’a pas enjointe de remplir pour de bon ce document.
Il existe un service d’assistance pour les déclarants
La HATVP a été créée par la loi sur la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013 (son article 20), sous le mandat du président de la République PS François Hollande. Cette entité administrative indépendante est présidée, depuis le 29 janvier 2020, par Didier Migaud. Il remplace Jean-Louis Nadal, ancien procureur près la Cour de cassation.
La HATVP met à disposition des déclarants un service d’assistance par téléphone et par mail.
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« il est inadmissible qu’un élu refuse de se plier aux obligations que la loi lui assigne. Ce qu’on exige de n’importe quel citoyen, un élu devrait au contraire s’y contraindre, de façon encore plus exacte »

Interrogé à l’aveugle sur la possible conformité des déclarations d’intérêt vides –donc sans que jamais l’identité des élus concernés soit dévoilée– le haut-fonctionnaire d’origine périgourdine Renaud Denoix de Saint Marc, qui a notamment présidé le Conseil d’État pendant 9 ans* a répondu pudiquement qu’il croyait que ces déclarations « n’étaient pas satisfaisantes ». Mais, a-t-il insisté, la réglementation qui s’applique à la HATVP a beaucoup grandi en « sophistication », de sorte qu’il s’est dit incapable de donner une appréciation tranchée.
En revanche, il sait que l’obligation de transparence sonnante et trébuchante ne fait pas l’unanimité chez les élus… et, pour ceux qui, précisément, en conçoivent quelque contrariété, la transmission à la HATVP de déclarations d’intérêts vides peut, à ses yeux, avoir un sens. « C’est une forme de protestation à l’égard des obligations qui vous sont assignées par la loi ».
Pour rappel, avant la création de la HATVP, Renaud Denoix de Saint Marc, en qualité de vice-président du Conseil d’État, exerçait les fonctions de président de l’institution de contrôle. Attribution qu’il a au demeurant « détestée » : agir en « voyeur », non merci. Au point qu’il s’est penché sur les seuls sujets qui paraissaient « intrigants » -il y en a eu, peu. « La classe politique n’a pas accepté de façon sereine » d’entrer dans un « système » qui puisse amener, le cas échéant, à fournir des justifications. Quand c’est arrivé, l’intéressé(e) convoqué (e) « n’était pas très à l’aise ». Reste, ajoute-t-il, qu’ « il est inadmissible qu’un élu refuse de se plier aux obligations que la loi lui assigne. Ce qu’on exige de n’importe quel citoyen, un élu devrait au contraire s’y contraindre, de façon encore plus exacte ». Même si l’on estime que cette loi est « intrusive ».
Dans l’avant-propos de son rapport d’activité 2019, le président Didier Migaud indique : « Les incertitudes initiales de certains responsables publics ont laissé place à la ferme volonté de respecter les obligations déclaratives et à une meilleure appropriation des principes déontologiques qui s’imposent à eux. Ces derniers ne sont pas toujours innés, dans une vie publique aux multiples et complexes interactions. Je tiens à saluer les responsables publics qui ont accompli un effort d’adaptation ».
Pour une petite poignée d’élus de la Dordogne, cet « effort d’adaptation » reste donc à fournir.
*l’intitulé de la fonction est vice-président car c’est toujours le Premier ministre qui est, constitutionnellement, le numéro Un du Conseil d’État.
Les explications de Marie-Claude Varaillas
Le 26 décembre 2020, Marie-Claude Varaillas a produit une « copie du message de la HATVP attestant réception de (sa) déclaration en date du 22 octobre 2020 ».
Le 26 décembre 2020, Marie-Claude Varaillas a soutenu que la HATVP avait estimé cette déclaration « conforme », et que jamais celle-ci avait fait l’objet d’une seule « observation » de l’institution. L’élue précise dans le même temps avoir expédié « en (sa) qualité de vice-présidente au Département » sa déclaration « dès la date de 2015 ».
Ensuite, l’élue explique que « les feuilles NÉANT sont conformes lorsque l’élu n’a rien à déclarer dans certaines rubriques, comme notamment sa participation à des sociétés ou à des intérêts privés, ce qui est (son) cas ».
Faut-il en déduire qu’en mentionnant les rémunérations liées à leurs fonctions dans les 5 années qui précèdent leur déclaration, tous les autres élus font du zèle (voir l’avis de celui qui a présidé le Conseil d’État) ?
« Je suis une élue honnête et j’entends le rester », indique enfin Marie-Claude Varaillas. Ce n’est en tout cas pas ici qu’il a été question d’ « honnêteté » (voir l’avis de celui qui a présidé le Conseil d’État).