
En Dordogne, Gérard Fayolle est le seul président de droite que la collectivité départementale a connu, l’élu de deux petites années à part dans la politique périgourdine, l’incarnation de l’exception historique locale. Aujourd’hui qu’il a « changé de métier », l’historien Gérard Fayolle entretient ses amitiés, à droite comme à gauche. Si, à dessein, il se tient en retrait de la chose publique, il accepte qu’on vienne le tirer de son silence, dont il n’a pas d’ailleurs pas fait vœu.
« Je me tiens assez loin de la politique périgourdine, à dessein ». Si Gérard Fayolle juge que le temps est venu de retenir uniquement les amitiés qu’il y a nouées, de les dorloter, il rappelle aussi qu’il a été de ceux qui ont arpenté des terrains de jeu qui ont dépassé les frontières du territoire de la Dordogne. Mille excuses, mais quand on a travaillé « chez le Premier ministre », ce sont d’autres profondeurs de champ qui vous font tourner la tête. Toutefois, oui, il y a un sujet périgourdin sur lequel il choisit de s’exprimer : celui du contournement de Beynac.
« Le 1er vote sur Beynac a eu lieu sous ma présidence. J’ai été le seul à m’abstenir… en notant sur le PV de la délibération que j’étais contre »
« Je suis la question de la déviation de Beynac ». C’est qu’ « il y a une bonne raison à cela ». Et Gérard Fayolle rappelle que « le premier vote a eu lieu en 1992 ». Or, l’alors président du conseil général de la Dordogne est le seul à s’abstenir… quand les 49 autres conseillers généraux se prononcent pour le projet. En réalité, cette prise de position singulière est pourtant une concession à l’écrasante majorité de l’assemblée départementale. « Sur le procès-verbal de la délibération, il est inscrit que j’étais contre ».
Les dossiers touristiques mènent au projet de déviation de Beynac
« J’étais un vieil ami de Philippe Rossillon ». Gérard Fayolle signale qu’il a en effet travaillé avec celui-ci à Matignon. La francophonie était leur préoccupation commune. À cette époque parisienne, Philippe Rossillon est aussi le maire de Beynac. Gérard Fayolle sait tout du triangle d’or de la Vallée de la Dordogne. Voilà encore une explication au fait que l’idée d’une infrastructure routière n’échappe à sa vigilance. Aujourd’hui, « l’historien et préhistorien » garde toujours un œil sur les dossiers touristiques. Il est donc toujours bel et bien impossible que le projet de déviation de Beynac passe sous les antennes de ses centres d’intérêts.
« À entendre Anne-Marie Cocula, il faudrait faire évacuer La Roque-Gageac, Domme… »
« Contrairement à ce que dit Germinal Peiro (l’actuel président du Département de la Dordogne) qui est un ami, quand bien même la loi qu’il souhaiterait faire voter* passerait qu’elle ne changerait rien au coup d’arrêt que la justice a donné au projet de Beynac ». Pour la simple raison que cette loi ne s’appliquerait pas de manière rétroactive. L’historienne Anne-Marie Cocula, qui est elle aussi « une amie » de Gérard Fayolle, a beau avoir défendu -et défendre encore- le projet de déviation, au nom de « l’argument géologique » -celle-ci a encore récemment publié un livre sur les falaises de Beynac et de La Roque-Gageac– elle n’a pas convaincu l’ancien patron de la Dordogne. « En suivant son raisonnement, il faudrait faire évacuer les villages de La Roque-Gageac, de Domme… ».
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« Pour Germinal Peiro, le projet de déviation de Beynac était sa marque… lui qui n’a pas de château »
« J’ai été épaté à Beynac ». La source de l’ébahissement de Gérard Fayolle a tenu à la présence… d’un panneau annonçant le chantier du contournement. « Il est resté là 20 ans…pour rien ». L’élu « surveillait ce panneau » : s’il était bien toujours planté là, force était de constater que « rien ne bougeait »… Incongru, certes, mais rassurant. « C’était tant mieux ». Lui-même a acheté une seule parcelle de terrain devant servir à la réalisation du projet -et parce que sa majorité s’était exprimée en faveur de celui-ci. « Bernard Cazeau (son successeur à la tête du conseil général), qui, lui, a fait nombre d’achats de terrains, dit qu’il a freiné ». Il faut admettre, poursuit Gérard Fayolle, que le dossier « a démarré avec Germinal Peiro, c’est son projet ». L’attachement viscéral que témoigne toujours le président du Département à cette déviation aurait des explications. « Convaincu » que l’avenir du territoire passe par la construction de cette infrastructure, Germinal Peiro en déduit qu’elle sert « le bien public ». Mais, à la conviction idéologique, s’ajoutent, poursuit Gérard Fayolle, des motivations toutes personnelles. Germinal Peiro s’est engagé dans cette réalisation « en pensant à son père », ce projet était « sa marque », à lui, le fils « qui n’a pas de château ». L’implication de Kléber Rossillon (fils de Philippe Rossillon) dans le camp des opposants « a dû le piquer ». L’actuel patron du Département « s’est imaginé laissé l’empreinte du nom de sa famille » sur les terres du Périgord, conclut Gérard Fayolle.
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« En poète, je ne suis pas inspiré par sujet de la politique en Dordogne après 1995 »
« Mon opinion sur Lascaux IV est mesurée ». Gérard Fayolle n’entend pas pour autant passer pour l’inspecteur des travaux finis. Reste que le rendu du fac-similé plonge le visiteur dans « un monde d’écrans ultra moderne ». Pourtant, quand il était à la tête du Département, il était bien partisan de créer un pôle international de la préhistoire sur « un lieu unique au monde »… mais certainement pas tel qu’il a été édifié, en mélangeant tout, assemblage qui, souligne-t-il, n’emportait pas davantage la faveur de Jean Nouvel. « D’autres ont fait ce pôle international… mais on ne sait pas à quoi il sert… Il est… polyvalent ». Gérard Fayolle regrette qu’on ait préféré construire « un énorme bâtiment », alors que le château de Campagne était une opportunité – site qui reste au demeurant « sous-utilisé ». S’il s’interdit de prendre l’initiative de s’en mêler, Gérard Fayolle surveille donc tout de même peu ou prou la vie politique locale… Son ouvrage 50 ans de batailles politiques en Dordogne (éditions Fanlac) fait référence… alors pourquoi son auteur ne s’est-il donc pas attelé à un tome II ? « Je n’ai pas fait de suite à la période 1945-1995 car, étant poète, je ne suis pas inspiré par le sujet ».
« Aux prochaines élections, les déséquilibres actuels vont demeurer »
« Aux prochaines élections, les déséquilibres actuels vont demeurer ». Oui, il est envisageable que les écologistes « fassent une percée » aux régionales 2021, mais « ils seront condamnés à faire alliance » avec Alain Rousset… qui conservera alors la présidence de la Nouvelle-Aquitaine. Côté élections départementales 2021, le découpage cantonal de la Dordogne continue de surprendre Gérard Fayolle, qui le qualifie d’ « étrange ». Et puis qu’on lui explique à quoi riment ces binômes, institués pour que les deux sexes soient représentés équitablement dans la sphère des décideurs politiques. En tout état de cause, il « ne voit pas » pointer de grand chambardement en Dordogne; bref, il ne croit pas au « renversement de la majorité départementale ». Il se réjouit de victoires de la droite aux municipales 2020, en citant Thiviers, des victoires qu’il n’interprète cependant pas comme le début de la conquête du Département. À son assemblée, « l’opposition est divisée et très faible », voilà pour le premier empêchement. Le second tiendrait au « système », qui est « verrouillé ». Au point qu’il pense qu’il en faudrait un autre, et, pour fendre cette « carapace politique », il parierait sur l’échelon des communautés de communes. En clair, l’obstacle au renversement de la table serait avant tout structurel. « Il y a 20 ans, j’ai écrit qu’il fallait supprimer le conseil général » -on comprend que, selon Gérard Fayolle, le verrouillage ne serait pas le fruit d’une stratégie politique périgourdine, comme l’opposition le soutient.
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« L’entité politique Nouvelle-Aquitaine, ça me semble biscornu… comme l’étendue du Grand Périgueux défie la logique »
« Je soupçonne François Hollande d’avoir fait les grandes régions pour maintenir les conseils généraux ». Gérard Fayolle a le sentiment qu’on a ainsi pris le soin de justifier la pertinence du niveau de décision départemental. Les grandes régions n’ont jamais non plus trouvé de grâce à ses yeux. Il a siégé une décennie à la collectivité, avant qu’elle s’agrandisse. Il a été en charge de la culture. Maintenant que la région a notablement repoussé ses frontières, il se demande comment « la conscience de l’identité de l’Aquitaine » peut exister. C’est qu’ « entre Bordeaux et Poitiers », il ne voit pas de rapport. « Comme entité politique, ça me semble biscornu ». La remarque vaut pour le Grand Périgueux. Mais quelle cohérence l’agglomération a-t-elle, en allant de Paunat à Saint-Pierre de Chignac… sans englober une commune comme Saint-Astier ? « Le Grand Périgueux a les dents longues et il s’allonge où il peut, mais ça ne correspond pas à la logique géographique… ni à la logique tout court ».
Le temps des amitiés politiques
« Je suis un fidèle de Yves Guéna ». Des grands noms de la politique en Dordogne, c’est celui que Gérard Fayolle retient en premier -Yves Guéna qui a fait montre à ses yeux de « fidélité, de courage -il est allé à Londres à 18 ans- et d’une réelle force de travail ». Aujourd’hui, le politique devenu historien entretient donc ses amitiés, cercle dans lequel cohabitent Xavier Darcos, « qui a malheureusement perdu Périgueux », Michel Moyrand, « qui a su veiller sur l’institut Eugène Le Roy », Antoine Audi, qu’il a soutenu bien qu’ « il n’ait pas été enthousiaste pour (s)’en mêler ». Il considère Patrick Palem comme « un brillant chef d’entreprise », dont la candidature aux municipales 2020 avait du sens. « Patrick Palem s’est battu pour le patrimoine. Devenir maire de Périgueux aurait été un couronnement ». Reste que, « vu du Bugue, cette union avec Michel Moyrand, Laurent Rouquié, Élisabeth Dartencet a été suicidaire » et que la défaite a été son inévitable traduction.
« Ma famille est au Bugue depuis au moins 1600 »
« Je travaille à une histoire du Bugue ». Il y a plus d’un siècle que personne ne l’a fait. Gérard Fayolle en est au « rassemblement de documents, à la préhistoire » de son prochain livre. Son lien avec Le Bugue tient déjà à l’enracinement de sa famille, qui y est présente « depuis au moins 1600 ». Non, Gérard Fayolle ne prétend pas « avoir fait Le Bugue », mais, en tournant sur lui-même, il pointe quelques-unes de ses réalisations -il été le maire de la cité pendant 25 ans. Peut-être que les affres de l’âge l’obligeront un jour à la quitter. « Mais ma tombe est au Bugue, l’affaire est réglée ».
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« Pour Les Républicains, le plus simple serait de travailler avec Macron. Je ne vois pas ce que nous ferions de très différent »
« Critiquer la gestion de la crise sanitaire, c’est facile ». Il se trouve qu’en outre, Gérard Fayolle s’avère Macron compatible. « Je suis plutôt de la tendance Juppé. Pour Les Républicains, le plus simple serait de travailler avec Macron ». C’est qu’il y aurait déjà une bonne raison à ce ralliement. « Je ne vois pas ce que nous ferions de très différent ». Peut-être que Gérard Fayolle, qui ne peut ignorer l’affaiblissement des partis traditionnels, voit dans cette convergence une issue pour la droite si elle entend survivre. Il a en tout cas une expérience douloureuse de l’impasse en politique. Si son mandat à la tête du conseil général de la Dordogne est une exception historique, il en garde un souvenir pénible. « Il n’y avait que des procès, je n’avais pas de majorité ». Une épreuve qui a amené l’idée de rejoindre l’Aquitaine, pour « essayer, 10 ans durant, de faire de la culture ». Un moyen de prendre de la hauteur. À savoir si la défense d’un rapprochement de LR et de LREM, qui est aussi une manière de survoler les partis, ne trouve pas en partie son origine dans le rêve ancien d’apaisement que le président du conseil général a pu faire, de 1992 à 1994.
(*) la loi que Germinal Peiro voudrait voir voter empêcherait qu’un projet d’une collectivité locale puisse démarrer alors que des recours sont pendants.
Gerard Fayolle tire juste et touche la cible sans bavure. Il montre combien l’homme politique visé manque totalement de discernement et confond le développement de la dordogne avec son Ego . Il n’a pas de château, mais il veut se faire valoir! Peu importe l’environnement , l’histoire, l’économie. Et maintenant: encore plus fort, son objectif est de faire changer la loi ! Heureusement qu’il existe la séparation des pouvoirs, sinon tout serait en « coupe réglée » et…tout le monde en rang ! Pour le bien de l' »Ego ». La structure politique de notre région n’a que très peu à voir avec le bien économique et social de celle-ci. Elle est faite par des liens personnels et des jeux de chaises qui vont jusqu’à figer des oppositions possibles. Gérard Fayolle, par son expérience et sa sagesse peut , à juste titre mettre le doigt où ça fait mal. Si opposition il y a, c’est le moment de monter au créneau et de mettre ses querelles dans une poche scellée et archivée. Sinon, elle fera le jeu de ceux qui imposent leur Loi afin d’entretenir leur Ego ! Beynac est l’exemple parfait de cette démonstration. Merci Monsieur Fayolle.