
Le Département de la Dordogne a publié le compte-rendu de 2e réunion du comité de suivi environnemental des travaux de démolition de la déviation de Beynac, qui s’est tenue le 28 septembre 2020. La collectivité a fait valoir que le coup d’arrêt définitif porté au projet de contournement avait des « conséquences graves » pour celle-ci. Jugeant en outre le délai d’un an pour la démolition et la remise en état du site intenable, le Département a demandé des « éclaircissements » au préfet de la Dordogne Frédéric Perissat. La collectivité a eu beau insister pendant ce comité, les services de l’État s’en sont tenus à une seule et même réponse.
« Déconnectée de la réalité technique et réglementaire en termes de délai (12 mois) imparti (…) hors de proportion avec l’ampleur, la complexité et l’impact des opérations de remise en état du site ». Voilà ce que le Département de la Dordogne a fait valoir lors de la 2e réunion du comité de suivi environnemental du chantier de démolition du contournement de Beynac fin septembre.
L’intégralité du compte-rendu de comité de suivi environnemental n°2 se trouve ICI.
Le Département estime que l’arrêté du préfet de la Dordogne Frédéric Perissat du 30 juin 2020, qui lui donnait la « feuille de route » du déroulement du chantier de démolition et de remise en état du site met en évidence « les contraintes » auxquelles la collectivité va devoir faire face, que des études préalables sont « nécessaires ». De plus, la collectivité y voit la « confirmation » que démolition ne rime pas avec préservation des espèces, et n’est pas davantage en mesure de s’accorder avec le délai que la justice lui a fixé pour y procéder.
« Le Département demande des éclaircissements au préfet Frédéric Perissat »
Le courrier que le préfet Perissat a adressé, le 30 juillet 2020, au Département ne semble pas l’avoir renseigné. Entre « l’optimisation du calendrier » et l’indication qu’aucune autorisation administrative n’était nécessaire, la collectivité a fait somme toute état d’une part d’incompréhension puisqu’elle « sollicite des éclaircissements » au représentant de l’État.
En effet, Département de la Dordogne a dit ignorer comment il pouvait à la fois se passer de toute autorisation administrative et respecter les règles du Code de l’environnement. Et de demander le détail de celles qui s’imposent à lui et de celles qui ne s’imposent pas. Le Département est-il ainsi « dispensé de demander les avis des services de l’État »… quand l’affaire était impossible pour le chantier de construction ? Pareillement, avançant que « la démolition va immanquablement impacter des espèces protégées », le Département doit-il comprendre que ni dérogation, ni avis dédiés ne sont nécessaires ? Les « éclaircissements » sollicités sont de la plus haute importance, a souligné le Département. En ajoutant que celle-ci et son président Germinal Peiro « s’expos(aient) à des sanctions en cas d’atteinte à des espèces protégées ».
« Le Département de la Dordogne demande que les services de l’État confirment que pour exécuter la décision de justice et optimiser le calendrier « par tous les moyens », il doit s’exonérer de la loi »
Si les services de l’État ont répondu au Département de la Dordogne, celui-ci persiste, « pour prévenir tout contentieux », à obtenir « par écrit » leurs « précisions claires et (leur) position ferme ». Nouvel échange, comprend-on ; nouvelle insatisfaction côté Département, qui leur a demandé cette fois de « confirmer » que, pour procéder à l’exécution de la décision de la justice et optimiser le calendrier de la démolition « par tous les moyens », reprenant une formule du courrier du préfet Frédéric Perissat du 30 juillet, le Département de la Dordogne « (devait) s’exonérer de la loi ».
Le président Germinal Peiro revient alors sur un article de l’arrêté préfectoral du 30 juin 2020, qui stipule que la collectivité ne doit pas porter atteinte aux espèces protégées. Sauf que, selon celle-ci, il est impossible de le garantir sans prendre le temps d’effectuer des « études préalables ». Aussi, le Département et son patron Germinal Peiro préviennent qu’ « ils n’en porteront la responsabilité » -de se passer de ces fameuses études, peut-on comprendre. Avant de faire savoir que, dans cette affaire, la collectivité est « victime ». En outre, le Département indique qu’ « il est le seul bénéficiaire de l’autorisation annulée ». Il en déduit que « c’est l’État (…) qui a vu son autorisation invalidée et contre qui les recours étaient dirigés. Il (lui) revient donc de préciser formellement les modalités nouvelles ».
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En réponse, les services de l’État, via la direction départementale des territoires (DDT), ont rappelé que « la décision de justice concern(ait) le Département ». Pas de quoi convaincre le président Peiro qui a fait part d’un deux poids-deux mesures en somme : qu’on lui explique pourquoi il avait fallu 4 années à la collectivité pour obtenir l’autorisation environnementale et, maintenant qu’il s’agit de démolir « avec des moyens particulièrement destructifs », il n’y a besoin de rien.
« La démolition ne doit pas être considérée comme un projet, il s’agit de l’application d’une décision de justice qui dispense de toutes autorisations préalables » (les services de l’État)
« La démolition ne doit pas être considérée comme un projet, il s’agit de l’application d’une décision de justice qui dispense de toutes autorisations préalables. Il incombe au Département de déterminer les modalités permettant d’y répondre ». Cette nouvelle réponse des services de l’État a encore échoué à convaincre le Département, qui s’est plaint de la persistance de « trop d’ambiguïtés ».
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« La décision de justice vaut autorisation de faire », a sobrement répliqué la DDT. Quand la direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL) a rappelé que les services de l’État attendaient que le Département indique comment il comptait s’y prendre pour éviter ou à tout le moins réduire les impacts de la démolition. Le Département n’a pas bougé de sa position. « Il n’est plus possible de les considérer comme à l’état d’origine avant les travaux ». S’il a prévu de refaire le point sur la situation du terrain… il juge que « le projet demandé par les services de l’État est paradoxal » : la collectivité va devoir se passer de « validation officielle » des mesures qu’elle proposera. Une nouvelle fois, la DDT a dû répondre. Que le Département n’entende pas qu’il a un « blanc seing », et l’arrêté préfectoral du 30 juin liste les éléments qu’il doit transmettre. Oui, a martelé la DDT, la collectivité a l’obligation de faire suivre aux services de l’État les « dossiers réalisés » et non, ceux-ci ne fourniront aucune approbation, ni validation.
Le Département persiste à demander que l’État… « l’autorise » à faire
Le Département fait savoir qu’il maintient le calendrier qu’il a soumis au préfet de la Dordogne, en précisant en substance qu’il ne peut pas mieux faire, « la phase études étant déjà « trop optimisée » ». Avant de répéter que « l’État devra examiner les dossiers et l’ « autoriser » à faire car c’est le Département qui assumera la responsabilité. Ce délai pourra être revu lorsque l’État aura précisé la procédure à suivre et quel sera son délai d’ « instruction » ». Les services de l’État se sont contentés de se répéter : « l’injonction vaut autorisation ».
Le dialogue de sourds s’est poursuivi entre le Département de la Dordogne et les services de l’État sur le dernier chapitre qui était à l’ordre du jour de cette 2e réunion du comité de suivi écologique, la méthodologie du processus de démolition.
« Il y a un possible recours des opposants au projet de construction » (Germinal Peiro)
Non et non, l’État ne donnera ni autorisation, ni validation « dans le cadre de l’exécution de la décision », et la DDT a rappelé que « l’arrêté préfectoral a(vait) été attaqué pour défaut d’intérêt public majeur », le juge ayant considéré que le Département « ne l’avait pas suffisamment justifié ». Pas de quoi empêcher Germinal Peiro de protester, en précisant qu « il appartenait à l’Etat avant de donner l’autorisation d’apprécier si le projet présentait un intérêt public majeur ». Et de s’interroger fortement sur le fait que le « risque falaise », classé sur 1km en zone rouge, ne puisse pas empêcher que l’enjeu sécurité -concernant notamment les bus scolaires- constitue « une raison impérative d’intérêt public majeur ». Les services de l’État se sont encore montrés constants dans leur réponse : « la décision de justice intime au Département seul de démolir et de remettre en état, et la responsabilité de cette opération lui incombe à lui seul ». Ils ont aussi rappelé « une nouvelle fois » que la DREAL « allégu(ait) » que la collectivité n’était pas seule puisqu’elle informait régulièrement le comité de suivi des travaux de démolition. Riposte de Germinal Peiro : le comité en question ne décide pas et il n’a pas de légitimité juridique. Avant de faire part d’un risque qui pourrait peser sur la collectivité, celui d’ « un possible recours, dans le cadre de la démolition, des opposants au projet de construction au motif notamment que l’environnement sera fortement impacté ».
L’heure de l’apaisement est semble-t-il revenue pour aborder les deux derniers chapitres (navigation fluviale, point environnemental) de l’ordre du jour de ce 2e comité de suivi écologique, même si le Département a fait savoir qu’il devait remédier « régulièrement » à des dégradations et des actes de malveillance sur les clôtures d’emprise. Concluant donc la réunion sur un autre de ses maux.
Cette 2 ème réunion met en evidence la mauvaise foi caractérisée du président Germinal Peiro. Il veut imposer son diktat, sur une affaire classée. La commission n’a même pas la possibilité de s’exprimer. Aucune question n’est posée. On est dans le bras de fer entre l’état et le département. Monsieur Peiro oublie que des études de démolition sont déjà faites et exécutables sans risque majeur pour l’environnement. Il oublie aussi que le coût de cette démolition est largement inférieur à ce qu’il annonce. Son enfermement est grossier et dangereux, car cette affaire coûte déjà une fortune aux contribuables périgourdins. Les conseillers du département (même « privilégiés ») doivent comprendre que cette dépense est autant en moins sur les budgets qu’ils devraient recevoir . Un gâchis impensable pour ce département, seulement pour le plaisir de quelques uns.
Le département (son chef d’orchestre) « joue » avec le Code de l’environnement selon son propre intérêt, qui décidément ne veut pas coller à l’intérêt général ! Lors des études d’impact, il s’était empressé de le fouler au pied, ne serait-ce qu’en évitant de demander à l’Europe son autorisation pour violer un site Natura 2000 ! A présent que le représentant de l’Etat le dispense d’y référer, le voila qu’il s’y accroche « bec et ongles » !
Tandis qu’au moment de la phase préparatoire le département s’était empressé de minimiser les impacts sur les espèces protégées, voire à les occulter en ce qui concerne les poissons migrateurs (tous protégés), maintenant qu’il faut démolir les horribles piles de ponts qui gâchent le paysage fluvial, le voila en train de clamer que: « la démolition va immanquablement impacter les espèces protégées » !!!
Le département s’entête à: 1) surévaluer le coût de la démolition (14M€): alors que des experts indépendants arrivent tous à 5 ou 6M€; 2) à vouloir attacher des bénéfices environnementaux à la déviation de Beynac : grâce à la baguette magique départementale, cette déviation est capable de créer plus d’environnement qu’elle n’en détruit ! Il faut peut-être lui rappeler qu’une « voie douce » (piste cyclable…) est tout à fait possible dans la vallée sans nécessairement construire une nouvelle route et deux nouveaux ponts, à rebours de la transition écologique ! 3) si cet ouvrage était indispensable au développement économique de la région, ça se saurait ! Et les principaux opérateurs touristiques (mis à part certaines accointances) n’y seraient pas opposés.
Que de mauvaise foi et que de contradictions !
Bernard Bousquet, Ecologue forestier