
Pas de place pour la lamentation chez Antoine Audi, qui a bien en tête que 2020 a été, au plan politique, une annus horribilis pour la droite en Dordogne, et il croit avoir sa part de responsabilité dans l’échec des municipales 2020 à Périgueux, même si l’impact des trahisons devrait avoir été autrement déterminant. Il se concentre aujourd’hui sur le scrutin des régionales 2021, en plaidant conjointement pour une nouvelle stratégie à droite pour les départementales 2021. Les premiers pas du maire socialiste de Périgueux Delphine Labails pourraient être un signe supplémentaire que l’heure de la refonte du paysage politique a sonné en Dordogne.
« Je suis candidat à la candidature régionale. Former un ticket avec Nathalie Fontaliran (aussi élue d’opposition à Montignac) m’irait bien, peu importe qui est numéro 1 et numéro 2. Mais Nathalie tête de liste en Dordogne, ça pourrait être une très bonne idée ». Alors il n’a pas échappé à Antoine Audi que d’aucuns élaborent d’autres scenarii. Mais c’est bien naturel… « Qu’ils prennent leurs rangs… ». En clair : les petits nouveaux seraient bien avisés de se souvenir qu’en matière de légitimité, ils auront peine à rivaliser avec deux conseillers régionaux sortants. En tout état de cause, « il reviendra aux instances nationales de trancher ».
« Il faudra expliquer que les décisions de la Région impactent directement le quotidien des Périgourdins »
« Pour captiver, il faut ramener l’opinion à son quotidien, lui expliquer que les décisions prises à la Région l’impactent ». Antoine Audi a le sentiment qu’en Dordogne comme dans les 11 autres départements qui font la Nouvelle-Aquitaine, les habitants sont peu conscients du pouvoir de la collectivité sur l’économie, en matière d’aide aux entreprises, mais aussi de transports (les TER, c’est elle), sans oublier l’agriculture pour laquelle on peut presque parler de « politique régionale agricole ». Si Antoine Audi y va bien -l’incertitude ne semble à vrai dire porter que sur son positionnement- sa campagne visera à le (ré)expliquer aux Périgourdins. « La Région est la collectivité qui anime les territoires, elle est un vrai levier et les EPCI (intercommunalités) avec elle ». Il est urgent de ne pas se plaindre que la Nouvelle-Aquitaine se soit notablement agrandie. Parce que « cette entité a bien trouvé son identité », alors qu’en effet, l’affaire n’était pas nécessairement entendue. Il reste peut-être à rendre l’appartenance des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Creuse plus lisibles : le temps fera son oeuvre, sachant qu’il faut toujours veille à ce que le centre de décisions ne s’éloigne pas des terres de leur application. Mais Antoine Audi retient que la Nouvelle-Aquitaine a, comme jamais, les moyens de ses ambitions, et, qu’avec son agrandissement, elle a encore gagné en « puissance de feu ».
« Dans le contexte actuel, EELV + PC + PS, ça ne suffira pas pour que Alain Rousset l’emporte »
« Oui, Alain Rousset est possiblement déboulonnable car le contexte politique actuel ne suffira pas ». Et le contexte actuel, c’est l’addition de EELV, du PC et du PS. Sans compter que les Verts ont montré très récemment qu’ils pouvaient se soustraire du total. « Ils ont voté contre le plan de relance du président ». Dans le même temps, si Alain Rousset est socialiste, il se montre Macron-compatible « quand ça l’arrange », pointe Antoine Audi. De quoi se demander si le PS ne saura pas lui rappeler au plus mauvais moment. Bien sûr que le président de la Nouvelle-Aquitaine a du talent. Il ne faudrait toutefois pas voir un seul arbre dans la forêt. « Désolé de reconnaître qu’il y a d’autres talents que lui à la Région… ». C’est « le poids excessif de l’expérience » qui pourrait contrarier la course de Alain Rousset à un 4e mandat. D’autant que « toutes les citadelles tombent un jour ».
« Aux sénatoriales en Dordogne, le PS crie victoire… mais il a perdu 1 sénateur sur 2 »
« Comptablement, le PS a perdu un sénateur ». Ce n’est pas le bruit que l’on fait dans la liesse qui couvre celui du boulier, la victoire du PS aux élections sénatoriales est donc à relativiser, selon Antoine Audi. Qui, question reproches, est équitable. Il ne glisse donc pas sous le tapis son avis sur l’entre-deux tours des LR, qui ont, dit-il, conclu « un accord de bas-étage » avec le candidat MoDem Jean-Pierre Cubertafon –leur candidate Joëlle Huth est sortie du second set du scrutin pour le soutenir. « Ce n’(était) pas sérieux »… et les électeurs l’ont d’ailleurs compris. Sachant que Antoine Audi rappelle tout le mal qu’il pensait de cette dernière, coupable à ses yeux de « trahison » par deux fois : aux municipales de 2014 et à celles de 2020. Bref, à droite, « la stratégie n’était pas bonne ». Au lieu de rester macérer dans la plainte, Antoine Audi invite fortement à la repenser pour les élections départementales 2021. Le grand renversement est à ses yeux envisageable. « Germinal Peiro est très fragilisé par son affaire de Beynac ». Et cette fois, « il n’y a plus que 25 cantons… ». Autrement dit, nouer 25 alliances bien senties, ce n’est pas le bout du monde.
« Côté management, j’ai pu commettre des erreurs pendant mon mandat de maire »
« L’année 2020 nous a donné deux exemples de ce qu’il ne fallait pas faire ». Encore une fois, Antoine Audi n’a pas le tempérament à ressasser le souvenir des échecs. En revanche, il tient à en tirer les leçons. Avant celui des sénatoriales, il y a eu les municipales 2020 à Périgueux et s’il fustige certains des siens dont il pense qu’ils ont joué un rôle actif dans sa propre défaite, il estime aussi « y être peut-être pour quelque chose ». Côté « management » notamment, il a pu pécher pendant son mandat de maire 2014-2020. Merci cependant de ne pas le croire accablé. « Il y a des choses plus graves qu’une défaite électorale dans la vie ». Il se trouve qu’il n’a pas pu l’oublier pendant cette année 2020.
« Delphine Labails toujours militante quand un maire doit prendre un peu de hauteur »
« Être maire, ce n’est pas seulement dire je vais transférer ça à l’agglo ou je vais demander ça au Département. Périgueux n’a pas à être inféodé à des collectivités ». En outre, Antoine Audi souligne que le maire PS Delphine Labails estime que parce qu’elle a gagné aux municipales, ses opposants ont tort. « Elle ne s’éloigne pas de son militantisme ». Et ce n’est pas le fait d’être militant qui le heurte : il l’est lui-même depuis 1978. Sauf qu’un maire doit à ses yeux prendre de la hauteur… et Delphine Labails n’en prendrait donc pas. Pour piloter la Ville, « il faut plus de vision, plus d’imagination ». À la place, le premier magistrat Labails fait « dans le gadget ». Logique, poursuit Antoine Audi, qu’à l’inverse, face à des sujets aussi complexes que le stationnement, ça patine. « Aujourd’hui, il faut avoir bac + 8 pour comprendre comment ça fonctionne ». Sachant que le nouveau maire socialiste a supprimé le forfait minoré de 15 €. Total : si l’on se trompe, le PV coûte direct 35 €.
« Aujourd’hui, la concertation façon Delphine Labails fait qu’au bout du bout, il n’y a pas de décision »
« La concertation quasi permanente, c’est le prix que doit payer Delphine Labails pour avoir embarqué le collectif citoyen aux municipales ». Il y a deux méthodes, rappelle Antoine Audi : la démocratie représentative et la démocratie participative. Lui-même a, avec son équipe, « assuré 400 ou 500 rendez-vous de quotidienneté » pendant son mandat -au passage donc, rien de neuf sous le soleil de Périgueux question contact avec les habitants. Et pourquoi pas, en outre, opter pour la seconde forme de démocratie. Sauf qu’ « au bout du bout, au lieu que tout le monde décide sur un sujet, il n’y a pas de décision ».
« Ne peut pas mieux faire. Voilà ce que j’inscrirais en marge du bulletin scolaire de Delphine Labails »
« Si j’étais encore instituteur comme je l’ai été il y a longtemps, j’inscrirais en bas du bulletin scolaire de Delphine Labails « Ne peut pas mieux faire » ». Pour Antoine Audi, « on n’arrive pas savoir ce qu’elle pense ». Déjà, dans ses prises de parole, le nouveau maire de Périgueux retarde l’annonce d’information(s). « Delphine Labails coche les cases de son raisonnement »… et voilà. Et, par-dessus tout, la marque de fabrique du premier magistrat socialiste serait « le mépris », qu’elle témoignerait aux habitants, en les occupant avec des mesures « cosmétiques », mais aussi le mépris à l’égard de l’équipe municipale précédente, en détricotant ce qu’elle a fait… parce que c’est elle qui l’a fait, ou bien en passant sous silence qu’elle a la paternité de projets, niant en tout état de cause la continuité républicaine – à l’exemple des chalets de la Halte 24 près de la Filature, projet que Antoine Audi avait initié, en travaillant de concert avec le préfet de la Dordogne Anne Baudouin-Clerc.
« Floran Vadillo n’est pas venu à Périgueux pour faire sécher le jambon »
« Floran Vadillo n’est pas venu à Périgueux pour faire sécher le jambon ». Antoine Audi entend les questions que l’atterrissage à Périgueux de celui qui a un CV long comme ça soulève. Était-ce pour instrumentaliser Delphine Labails ? Dans un premier temps, ça y ressemble. Auquel cas « c’est très dangereux pour elle ». Il espère que celui qui semble occuper la fonction d’ « éminence grise » ne prévoie pas, dans un second temps, de la satelliser ouvertement . « Ce serait alors trahir les électeurs ». Reste que Delphine Labails, en se montrant, juge-t-il, « plus appliquée qu’impliquée » n’envoie pas de signes rassurants. Une citation de feu Jean-François Deniau ne quitte pas la mémoire de Antoine Audi. « La politique, c’est comme la navigation à voile : au début, les problèmes s’additionnent, ensuite ils se multiplient ».