Forêt de la Double : la SEPANSO dénonce un reboisement « illogique » du Département de la Dordogne

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étang La Jemaye
Les étangs de La Jemaye (DR)

 Pour la réalisation de la déviation de Mussidan, le Département de la Dordogne a, en 2017, défriché une quinzaine d’hectares de la forêt de la Double, sur les terres de la commune, en s’exonérant d’une autorisation de la préfecture. Celle-ci a donc exigé que la collectivité procède à un boisement compensateur de 40 ha : à défaut, le Département s’exposait à une amende substantielle. Ce dernier avait donc prévu d’obtempérer, mais il entend replanter pour partie sur un site Natura 2000, espace naturel sensible qu’il possède aux fameux étangs de La Jemaye, dans la forêt de la Double. L’opération vient de commencer, malgré la vive protestation de la SEPANSO. Si, c’est vrai, les châtaigniers sont, sur cette enclave, souffreteux, le bât blesse ailleurs. Le Département entend en effet recourir à une coupe rase. Or, selon l’association, l’observation du terrain met à mal sa justification à faire place nette de cette manière radicale. D’autant qu’elle pointe le « double langage » de la collectivité, qui confirme que, sur 6 ha, les arbres et leurs racines seront bien arrachés et évoque à la fois une coupe sélectionnée, en fonction des essences qui s’y trouvent. En outre, l’association s’interroge sur les intentions réelles d’une intervention, qui, après avoir progressé à bas bruit, a débuté.

Le Département de la Dordogne a commencé à redonner à la forêt de la Double ce qu’il lui avait pris, en 2017, pour réaliser la déviation de Mussidan. La collectivité est en train de compenser la coupe rase générale de l’époque. Après que la préfecture lui a rappelé qu’elle en avait l’obligation… sauf à vouloir s’acquitter d’une amende très importante. Le Département avait demandé une autorisation de coupe, le 17 septembre 2018, qui portait sur 47 ha, situés à La Jemaye et 1,2 ha, à Échourgnac, sur le site de la ferme du Parcot. C’était apparemment vouloir faire mieux que bien. Sauf que la SEPANSO s’interroge sur le choix de la méthode de reboisement choisie pour se conformer à la réglementation : tout raser, alors qu’une enclave Natura 2000 est concernée. L’association a appris hier, mercredi 30 septembre, que l’opération avait commencé.

Arrachage des racines des arbres en pleine zone Natura 2000

C’est connu, la méthode des coupes rases est régulièrement contestée. Pourtant, le Département l’a choisie pour procéder à un boisement compensateur. Comme l’opération concerne aussi une bulle naturelle préservée, la collectivité s’était engagée auprès de la préfecture à « communiquer » pour expliquer qu’elles s’imposaient. « Or, il n’y a pas trace de cette communication », selon la SEPANSO. Au contraire même, ce boisement compensateur s’est, maintient-elle, préparé en catimini. La cause de cette extrême discrétion serait précisément liée au choix de la technique de l’arrachage complet des racines des arbres. Sauf que l’opération concerne en partie -pour 13 ha – la zone Natura 2000 Vallées de la Double, espace naturel sensible. Par ailleurs, si, sur le terrain, les châtaigniers sont en effet « en souffrance » -la SEPANSO a la même appréciation que le Département- ils sont minoritaires et voisinent avec de nombreuses autres espèces, qui affichent une forme excellente. Les chênes pédonculés, notamment, sont d’ailleurs jugés « magnifiques » par le Département lui-même. En outre, ils vivent aux côtés de charmes, de noisetiers… et de 7 autres espèces hautement protégées, que l’union internationale pour la conservation de la natureUICN– ainsi que ses niveaux européen et français, ont classées, avec le muséum national d’histoire naturelle –MNHN-, en « rouge »). Parmi ces 7 espèces, on trouve, pour exemples, le sorbier domestique, le poirier à feuilles en cœur.

Cependant, le 23 septembre dernier, la SEPANSO a appris que son inquiétude n’ébranlait pas la direction départementale du territoire : la DDT allait laisser faire la collectivité. « Toutes les autorisations ont été obtenues », a-t-il été répondu à l’association, qui a le sentiment que, « quand le Département et l’office national des forêts (ONF) décident, la DDT est priée de suivre ». En tout état ce cause, le boisement a débuté.

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Le Département soutient que la zone Natura 2000 s’en remettra

La présence d’une zone Natura 2000 dans le périmètre du boisement compensateur a obligé le Département à mener une étude d’incidences -ce qu’il a fait en juillet 2018. Il y est précisé que l’office national des forêts (ONF) va l’ « accompagner » dans son projet (la collectivité indique au demeurant qu’il ne peut pas en être autrement depuis septembre 2017). Cette étude révèle que l’enclave classée concernée constitue également une terre de reproduction de la Cistude d’Europe, qui est une espèce protégée. Elle conclut que « les incidences négatives qui peuvent être présentes en phase travaux seront temporaires. À terme, le projet intègre la conservation d’une diversité d’espèces dans la dynamique forestière », puis, que « ce projet n’a pas d’incidences significatives sur les habitats naturels à l’échelle du site Natura 2000, ni sur le fonctionnement écologique et touristique à l’échelle du site ». Or, ce n’est pas du tout l’analyse de la SEPANSO.

boisement
De grosses machines pourront-elles sélectionner les espèces ? (DR)

Pour la SEPANSO, les « grosses machines » ne laisseront pas un rescapé

« Si, en effet, les châtaigniers sont en train de dépérir, il y a de nombreux petits chênes qui tapissent le sol, et de plus grands. C’est la démonstration que la forêt se renouvelle naturellement pour devenir une chênaie charmée (avec des charmes) ». Or, qui dit coupes rases implique intervention « brutale » avec de « grosses machines ». Impossible, dans ces conditions, de sélectionner les arbres coupés, s’étrangle la SEPANSO. En admettant que l’on cherche à éradiquer les châtaigniers en premier, d’autres espèces seront inévitablement rasées dans le même temps. Dont, notamment, « celles qui sont classées en rouge ». Car, si ces espèces entrent initialement dans la « catégorie LC », nomenclature qui relativise l’impératif à les défendre, « le conservatoire naturel a noté que leur espace de vie se réduit de plus en plus ». Or, les coupes rases compromettent leur possibilité de se réimplanter. « C’est une perte importante pour la biodiversité -de la flore et de la faune ». En outre, ces espèces hautement protégées favorisent la pousse d’arbustes à baies, qui « constituent, l’hiver, un garde-manger pour les animaux ». Autre point de contestation : le Département entend replanter principalement des chênes donc (pédonculés, sessile), puis merisiers, corniers, poiriers… sachant qu’une précédente tentative a démontré qu’il n’en restait presque rien. Enfin, replanter quasiment une seule espèce n’a pas de sens aux yeux de la SEPANSO, qui dénonce le déclassement de la qualité de la forêt de la Double.

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forêt Double
La première tentative de réimplantation a échoué (DR).

« Le véritable intérêt de l’opération ? Économique, sans doute »

Mais à quelle nécessité le Département de la Dordogne répond-il donc en coupant des hectares de forêt -et en arrachant leurs racines- pour… les reboiser à titre compensatoire ? « Économique », suppose la SEPANSO. Les arbres qui seront coupés et dessouchés vont en effet être vendus -le châtaignier pour la pâte à papier, le chêne pour sa qualité intrinsèque. « L’opération est hélas plus rentable que de boiser des terrains en friche, d’y remettre un peu de nature ». À savoir, toutefois, si le Département a des hectares en friche par devers lui. En aval, poursuit la SEPANSO, la collectivité fera inévitablement apple à des pépiniéristes pour replanter. Enfin, il faut mobiliser des engins imposants pour procéder à des coupes rases. « Ces machines coûtent une fortune et les entrepreneurs qui les possèdent ont besoin de les rentabiliser ». À entendre la SEPANSO, l’opération pourrait ainsi trouver sa logique dans la stimulation des secteurs économiques de la filière bois, en les faisant tourner pour tourner… Maintenant que la SEPANSO a appris que l’opération avait débuté, pas sûr qu’elle reste les bras croisés.

3 Commentaires

  1. Cette affaire est très grave, car c’est une forme de gestion forestière qui n’a aucun sens , sauf celle de favoriser , une fois encore , quelques « privilégiés ». Il est inconcevable de « compenser » une déforestation en rasant une autre forêt pour replanter des plants …..avec le succès que l’on sait! Il faut faire passer ce message, il est indispensable que le citoyen se reveille, et n’ait pas peur des pressions qui seront exercées contre lui, car il défend son pays, sa campagne, ses forêts.

  2. C’est exactement ça, tourner pour tourner,
    la filière bois démontre une nouvelle fois son incapacité à prendre conscience des crimes qu’elle commet.
    l’incurie des politiques suit, comme pour toute forme d’industrie.
    on perfusionne avec nos impôts des ogres destructeurs d’écosystèmes,
    responsables du cataclysme climatique en cours.
    Très bon article.

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