
Après qu’une manifestation en faveur du projet de déviation de Beynac se soit tenue, en septembre 2017, à Vézac, des citoyens avaient, en avril 2018, déposé plainte auprès du parquet de Bergerac au motif que le président du Département de la Dordogne Germinal Peiro avait ceint une écharpe de député… alors qu’il ne l’était plus. L’élu avait fait l’objet d’un rappel à la loi, en mars 2019. Une sanction perçue comme « inadaptée » par les plaignants, d’autant qu’ils dénoncent une répétition des faits, bref, une récidive. Leur conseil Me Sophie Benayoun a dû engager la procédure de citation directe pour que le tribunal correctionnel examine s’il y a lieu de prononcer une condamnation. L’audience de consignation est fixée au mardi 1er septembre 2020, au tribunal de grande instance de Bergerac. Une première étape strictement formelle.
« Dans le cadre d’une manifestation, Germinal Peiro s’est affiché en portant l’écharpe de député. Or, le 03 septembre 2017, il ne l’était plus* ». Ce dimanche, un rendez-vous, organisé par l’association J’aime Beynac et sa Vallée, a lieu sur le terrain de football de Vézac. Il réunit des citoyens et des élus pro-contournement, dont certains ont d’ailleurs ceint une écharpe tricolore… en plastique. Pour rappel, à cette époque, l’enquête publique préalable au projet était en cours : commencée le 21 août 2017, elle serait close le 17 octobre suivant. Me Sophie Benayoun est saisie par des citoyens, qui sont des opposants au projet de contournement de Beynac. « Germinal Peiro n’avait pas le droit de ceindre cette écharpe, c’est une infraction ». Les articles 433-14 et 433-22 du Code pénal sont invoqués. Pour l’avocate de Bordeaux, « il s’agissait d’asseoir un crédit politique dont l’intéressé ne bénéficiait plus ». Une plainte est déposée auprès du procureur de la République de Bergerac Odile de Frisch, le 11 avril 2018.
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« L’infraction a été caractérisée »
« Après une enquête des gendarmes (de Sarlat), l’infraction a été caractérisée ». Me Benayoun explique que le procureur pouvait décider de poursuivre Germinal Peiro ou de classer la plainte sans suite. Le représentant du ministère public opte, le 20 mars 2018, pour « un rappel à la loi ». Autrement dit, poursuit le conseil, Germinal Peiro se voit signifier que « ce n’est pas bien ». Une réprimande en quelque sorte, qui ne figure pas au casier judiciaire du réprimandé : ce n’est pas une condamnation.
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Les plaignants dénoncent une récidive
« Les citoyens qui m’ont saisie ont estimé que la sanction était inadaptée ». Leur conseil dépose donc un recours auprès du parquet général. Ce dernier « n’a pas suivi ». Toutefois, il existe une issue pour les plaignants, d’autant que le président Peiro aurait récidivé, après s’être vu signifier un rappel à la loi. En faisant valoir, sur un carton d’invitation à un vernissage, sa qualité du député… qu’il n’est toujours plus, le 08 septembre 2018 ; en mentionnant sur le site du Département qu’il est son président depuis le 02 avril 2015, mais également qu’il est député de la 4e circonscription depuis 1997-un huissier a dressé un constat le 09 août 2019. Dans cette supposée insistance à user indument d’un titre, Me Sophie Benayoun voit du « mépris » pour son successeur au Parlement et pour les électeurs. La solution restante, l’avocate l’actionne donc. « Le rappel à la loi n’exclut pas de saisir la juridiction pénale ». L’avocate emprunte la voie de la citation directe. Sachant que ses clients avaient pris soin de se rapprocher de la présidence de l’Assemblée nationale pour savoir s’il existait une qualité de « député honoraire »… et que, si la réponse est que cette qualité existe bien, elle n’autorise pas le port de l’écharpe.
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« Un contexte politique où la confusion des titres et de l’autorité ne peut que nuire aux concitoyens »
« Cette infraction mérite en effet d’être poursuivie dans un contexte politique où la confusion des titres et de l’autorité ne peut que nuire aux concitoyens et (il) est impératif de faire cesser ce type d’infractions », argumente Me Benayoun, pour qui il s’agit aussi de contribuer à « rétablir le discours actuel ». Mardi 1er septembre, il s’agira d’une première étape obligée : l’ « audience de consignation ». La partie civile connaîtra le montant de la garantie qu’elle doit bloquer pour que la procédure suive son cours.
Actualisation : prochain rendez-vous au tribunal correctionnel et montant de la consignation fixés
Le tribunal correctionnel de Bergerac a estimé mardi 1er septembre 2020 que la plainte pour port illicite de l’écharpe de député était recevable. La date de la prochaine audience est fixée au 27 janvier 2021. La procédure de la citation directe conditionne un jugement au fond au versement d’une caution de la part des requérants. Celle-ci a été fixée à 1 000 € pour chacun. Comme ils sont quatre, ce sont 4 000 € qu’ils doivent débourser. La SEPANSO Dordogne fait savoir en substance que « l’audace a un prix » et elle lance à un appel aux dons, faisant valoir que cette nouvelle action judiciaire à laquelle elle prend part via un des plaignants sert à la défense de l’ensemble des Périgourdins.
* À partir du 21 juin 2017, Germinal Peiro n’est plus député de la 4e circonscription, c’est Jacqueline Dubois qui est investie de ce mandat.