Déviation de Beynac : radiographie des entreprises (hors Bouygues) d’un chantier… qui avale celui du centre-bourg (épisode 1/2)

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chantier Beynac août 2020
Vue sur le chantier de Beynac que la justice a ordonné de démonter, en remettant le site en l’état (DR)

Après que le Conseil d’État a douché les derniers espoirs du Département de la Dordogne à pouvoir poursuivre le chantier de la déviation de Beynac, son président Germinal Peiro continue de penser que la démolition des travaux entamés et la remise en état du site ne sont pas pour demain… et de le faire savoir. Dans le dernier numéro de la revue de la collectivité, l’association des « pro-contournement » J’aime Beynac et sa vallée appelle d’ailleurs à un « rassemblement citoyen » le 13 septembre prochain, dans la petite cité médiévale. Un petit encart accompagne un long plaidoyer en faveur du projet, dans lequel le Département se dit « soucieux de préserver la bonne gestion de l’argent public ». C’est l’occasion de revenir sur la manière dont il a, jusqu’à présent, été dépensé ici. En travaux, en études, en indemnisations de plusieurs types. Sans encore évoquer les acquisitions foncières et hormis Bouygues, dont les paiements ont été différenciés (voir épisode 2), la litanie des chiffres réunis (et publiés par le Département) dans ce premier volet périphérique représente environ le 10e de la facture totale, évaluée autour de 40 M€ par la collectivité. Alors… combien d’entreprises sont concernées ? Qui sont-elles ?  Enfin, ce premier retour sur la comptabilité révèle que la facture des travaux pour le revêtement du centre-bourg de Beynac est versée à l’addition.

En consultant le récapitulatif de l’ensemble des factures acquittées du chantier entamé de la déviation de Beynac, on ne peut que confirmer, comme le martèlent le Département de la Dordogne, porteur du projet, et ses opposants, que la note est salée. Au moins y a-t-il, entre les deux parties, une convergence de vues à ce sujet. C’est le premier constat –plutôt ouverture d’une porte qui l’était déjà.

Dans un premier temps, ce retour sur les dépenses d’argent public pour le projet de contournement de Beynac se concentre sur les règlements aux entreprises satellites -le maître d’œuvre Bouygues sera traité à part, comme ses paiements l’ont été, en n’oubliant pas non plus de se souvenir des acquisitions foncières.

Ce volet Un de retour comptable apprend que plus de 40 entreprises ont été payées (sachant que certaines apparaissent en tant que maisons mères distinguées de leurs filiales), ou bien qu’elles aient participé à l’appel d’offres de la collectivité sans être retenues (conformément à la règle de la procédure des marchés publics) ou bien qu’elles aient contribué aux travaux entamés dont la nature est sommairement indiquée -il arrive au passage qu’elle ne le soit pas du tout.

Parmi cet ensemble d’entreprises, il y en a 19 de la région Nouvelle-Aquitaine, soit moins de la moitié du total des entités, mais 12 sont de la Dordogne -soit plus de la moitié. Toutefois, les entreprises périgourdines sont seulement 4 à peser au budget total -les factures des 7 autres pouvant, au regard de l’ensemble des montants en question, être considérées comme anecdotiques. Tous ces éléments permettent d’établir une radiographie du paysage entrepreneurial impliqué, avec les niveaux financiers de participation de ses unités participantes. Tous ces éléments comportent aussi d’autres informations et/ou soulèvent des interrogations.

Factures aux montants imprécis et honoraires substantiels

Dans ce premier volet, le montant global des factures que le Département a rendues publiques dépasse 4,1 M€. Il comprend des sommes versées pour indemnisation de concours (parfois libellées indemnisation de jury de concours). Il s’agit de primes, en réponse à l’obligation de l’article 74 du code des marchés publics. Additionnés, les dédommagements versés à ce titre s’élèvent à près de 202 000 € -pour rappel, il s’agit bien des comptes hors Bouygues.

Par ailleurs, quand les versements sont des honoraires, aucune information ne précise la nature des prestations auxquelles ils correspondent. La somme totale de ces honoraires égale plus de 1,7 M€.

Manque d’architectes-paysagers en Nouvelle-Aquitaine ? 

Sur les 43 entreprises payées, 19 sont sises en Nouvelle-Aquitaine. Il a donc fallu -à 24 reprises-  aller chercher ailleurs les compétences que la plus grande région de France n’avait pas. Y compris celles qu’on aurait imaginé pouvoir y trouver. Ainsi c’est à un architecte-paysager normand qu’une prestation de 86 000 € a été réglée-sans qu’on trouve le détail de celle-ci :  seule la mention « honoraires » est indiquée.

Entreprises périgourdines : poids financier important et inégalement réparti

Si, dans ce premier volet comptable, les entreprises de la Dordogne sont fortement représentées (elles sont donc 12 sur 19), c’est aussi inégalement. Au total, le poids sonnant et trébuchant de leur contribution au chantier de la déviation est de plus de 1,1 M€… soit le ¼ de l’ensemble de cette addition périphérique. Toutefois, 4 de ces entités périgourdines dépassent le seuil des 100 000 €, dont deux vont même au-delà de l’échelon des 300 000 €… quand 7 n’atteignent pas la barre des 5 500 € -l’une d’elles est en-deçà de 800 €.

LIRE AUSSI : Déviation de Beynac : ce que Bernard Cazeau aimerait entendre Germinal Peiro rappeler

Où trouver la facture des tabliers de pont ?

Ils ont beaucoup fait parler d’eux mais à qui ont-ils été payés ? Sachant qu’il n’y a pas de secret, c’est l’italien MAEG Costruzoni qui a fabriqué les tabliers de ponts. Or, dans ce premier volet comptable, il n’y a pas trace de paiement en sa faveur.

Sur ce premier récapitulatif, on n’identifie pas davantage de pénalités, alors que le Département a régulièrement fait valoir qu’elles allaient sérieusement plomber le budget du chantier… et c’est vrai que, sans exactement le plomber, elles alignent les zéros avant la virgule décimale. Il faut consulter l’autre volet comptable du projet de la déviation, réservé à Bouygues, pour que ces pénalités apparaissent. Le maître d’ouvrages paraît les avoir toutes aspirées.

Enfin, la paierie départementale est une ligne de dépenses de la collectivité, à hauteur de plus de 21 000 €. Il serait éclairant de savoir pourquoi elle figure sur cette liste de prestataires, sachant que son rôle consiste à valider les dépenses.

Ces précisions manquantes

Concernant encore ces fameux tabliers de pont, aujourd’hui entreposés dans le parc départemental à Marsac-sur-l’Isle, on relève qu’un « contrôle » a été réglé au début du mois de janvier 2019, soit après l’arrêté du Conseil d’État qui suspendait le chantier (28 décembre 2018). Le rapport auquel ce « contrôle » a abouti serait bigrement utile car il permettrait de constater l’état d’avancement de leur commande. De la même manière, peu après l’arrivée de ces tabliers en Dordogne, le vice-président au Département Jacques Auzou avait annoncé qu’il donnerait le mois suivant « un compte administratif définitif de l’ensemble des sommes engagées » par la collectivité. De quoi connaître dans le même temps les dépenses liées aux seuls tabliers, jusqu’à leur mise au garage dans le Périgord, solution dont l’élu justifiait le caractère économique, comparée à celle qui aurait consisté à les laisser -et c’était selon lui inévitablement longtemps– chez le fabricant italien qui aurait facturé des frais de gardiennage. Mais à ce jour (neuf mois plus tard), le vice-président Auzou n’a rien dit, encore. Y revenir serait pourtant déjà l’occasion de dévoiler la date à laquelle les fameux tabliers ont été commandés et de faire connaître les termes de la clause d’annulation d’un marché dont on ne trouve pas le nom de l’entreprise à laquelle il a été payé -d’autant que la dépense a été votée par les élus du Département.

LIRE AUSSI : Bernard Cazeau : le chantier de Beynac n’est pas démonté car « personne ne dit rien, les gens ont peur en Dordogne »

Surprise : la facture du revêtement de Beynac intégrée aux dépenses du chantier de la déviation

Le détail des sommes versées à cet ensemble d’entreprises périphériques mobilisées pour le chantier de la déviation révèle que la facture de l’enrobé du centre-bourg de Beynac en fait partie. Or, pour rappel, ces travaux de revêtement avaient fait l’objet d’une convention entre le Département et la Ville de Beynac. Comment leur coût peut-il être incorporé aux dépenses liées au contournement ? La nécessité de ces travaux avait été actée par le président Bernard Cazeau, qui les avait programmés. Mais c’est son successeur à la tête du Département Germinal Peiro qui a signé la convention. Un bras de fer judiciaire allait au demeurant s’engager entre le maire Alain Passerieux et le Département de la Dordogne. Tout à coup, Beynac allait d’ailleurs devoir faire sans les subventions de la collectivité. Depuis les municipales 2020, le nouveau premier magistrat Serge Parre, qui est, au contraire de son prédécesseur, un partisan de la déviation, a, dès le premier conseil municipal, annoncé que le Département allait justement verser ces subventions, vraisemblablement en septembre. Quand, pour le revêtement de la discorde, la collectivité a prévu de lever le pied du frein : il est cette fois prévu.

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