
Le sénateur Bernard Cazeau déplore que son successeur à la présidence du Département de la Dordogne Germinal Peiro répète à l’envi les motifs qui justifiaient, selon lui, la réalisation de la déviation de Beynac, projet que le Conseil d’État a stoppé définitivement le 29 juin dernier. Et… sans que quiconque, en dehors des opposants au contournement, rappelle des faits susceptibles de lui apporter la contradiction. Aussi s’en charge-t-il.
Le sénateur Bernard Cazeau peine à comprendre que le président du Département de la Dordogne Germinal Peiro puisse encore défendre le projet de déviation de Beynac, alors que le Conseil d’État l’a définitivement stoppé. La manière dont il s’y prend lui pose également question -au-delà des attaques des « châtelains » de la Vallée de la Dordogne, dont il a déjà indiqué qu’elles le sidéraient. Le président Peiro déroulerait un discours immuable sans que personne, en dehors des opposants au projet, ne revienne sur des faits qu’il omet de mentionner. Ils ont bien sûr trait au dossier, mais ils concernent aussi les conséquences de son fiasco. Le sénateur en rappelle donc lui-même quelques-uns.
« Un lien entre le projet de déviation de Beynac et l’accroissement de la fiscalité »
« En 2016, le Département a augmenté les impôts des contribuables de 9%… et c’était essentiellement pour financer le projet de déviation de Beynac ». Bernard Cazeau s’étonne que Germinal Peiro ne s’attarde pas sur l’existence de ce lien, préjudiciable à la fiscalité des habitants de la Dordogne. « Les droits de mutation (à titre onéreux -DMTO) ont quasiment doublé entre 2015 et 2019. Quand j’ai quitté la tête du Département, ils représentaient 30 M€ ; aujourd’hui, c’est 60 M€ ». Aux yeux du sénateur, Germinal Peiro ne fait aucun cas de ce sujet, et il n’y est pas invité.
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« L’arrêté d’autorisation des travaux précisait qu’il fallait attendre l’épuisement des recours pour démarrer le chantier »
« Germinal Peiro dit que l’État lui a donné l’autorisation d’entreprendre le projet de déviation de Beynac ». Or, c’est, pointe Bernard Cazeau, aménager les faits. Il se trouve que c’est du sénateur dont la préfète Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc s’était rapprochée avant de prendre sa décision concernant l’arrêté d’autorisation des travaux : la représentante de l’État devait-elle, oui ou non, le signer ? « Je lui avais dit non ». Si Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc allait pourtant le faire, elle allait aussi introduire une nuance d’importance, qui indiquait en substance que « les travaux ne pouvaient être commencés qu’après l’épuisement de tous les recours qui couraient ». Aux yeux du sénateur, Germinal Peiro tait l’existence de cette réserve, bien qu’elle soit notable, et sans qu’on lui demande pourquoi.
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« Non, Emmanuel Macron n’a pas validé le projet de déviation de Beynac »
« Germinal Peiro n’a pas eu la validation de Emmanuel Macron ». Pour Bernard Cazeau, le président du Département de la Dordogne a beau reprendre les propos -vagues au demeurant- du Président de la République, en visite dans le Périgord en juillet 2018, en omettant de les contextualiser, il les interprète et il se trouve qu’il se trompe. « Le Premier Ministre Édouard Philippe n’a pas davantage donné son accord ». C’est le secrétaire d’État à la Transition écologique Sébastien Lecornu -Nicolas Hulot était alors son ministre- qui l’a donné, corrige-t-il. Le courrier d’Édouard Philippe brandi par le président Peiro n’est, ajoute le sénateur, que le fruit d’une cascade de deux interventions, deux poussettes : la demande de Alain Juppé, qui répondait à la sollicitation de Jean-Jacques de Peretti. « Il serait bon de rappeler le principe de la séparation des pouvoirs ». Autrement dit, de se souvenir que l’exécutif et la justice évoluent dans des couloirs bien distincts. « S’il est envisagé de construire un EPR à proximité de votre jardin, vous allez contester ce projet en justice. Or, ce n’est pas un ministre qui va trancher le litige ». Pourtant, aux yeux du sénateur, le président Peiro répète les noms de ses prétendus soutiens, sans être contredit.
« Il faut apurer la falaise tous les 10 ans. Si un rocher tombe, Germinal Peiro sera responsable »
« Oui, à Beynac, la falaise représente un danger. Si un rocher tombe, Germinal Peiro sera responsable ». Bernard Cazeau explique qu’il revient au Département d’ « apurer la falaise tous les dix ans » -c’est-à-dire d’ôter les aspérités instables. Pour sa part, il a procédé à ces travaux de sécurisation « en 2010 ». Par ailleurs, sur les camions qui encombrent la traversée de Beynac, le sénateur rappelle qu’il a précisément lui-même « fait une déviation pour qu’ils remontent par Sarlat » et que Germinal Peiro « peut empêcher » qu’ils entrent dans la petite cité médiévale. Aux yeux du sénateur, le président du Département fait état de complexités sans qu’on en doute.
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« J’ai dit à Germinal Peiro de ne pas faire cette déviation, il est aussitôt devenu violent »
« Au congrès des maires (octobre 2019), Germinal Peiro a fait un discours. J’étais assis au premier rang. C’est ce jour-là qu’il a déclaré que j’avais acheté des terrains pour de la déviation de Beynac et qu’il n’avait fait que suivre ». Bernard Cazeau n’apprécie guère que son successeur à la tête du Département « (l)’ attaque car il cherche à se défausser ». Devant un public qu’il voit encadré, sa réponse est alors peu audible et il juge qu’on ne souhaitera pas qu’elle le devienne. Aussi Bernard Cazeau croit-il juste de redire aujourd’hui ce qu’il a tenté de faire entendre hier. « Tout le monde sait que quand on a un projet de route, on achète des terrains, souvent à bas prix, et davantage qu’il n’en faut ». Par ailleurs, « dans le Sarladais, des terrains, ça se revend… ». Enfin, oui, Bernard Cazeau avait bien procédé à des acquisitions de terrains, « comme Bernard Bioulac » avant lui au demeurant, mais il a estimé que ce projet de déviation de Beynac « n’était pas prioritaire ». En revanche, en 2014, c’est Bernard Cazeau qui a « dit oui » au financement départemental de l’élargissement de la route, puis programmé les travaux, répondant ainsi favorablement au souhait du maire de Beynac et des commerçants du village. « Et j’ai vu que ça suffisait ». C’est peu après que Germinal Peiro soit devenu le président du Département, qu’il« (l)’invite à voir un contournement » : le chantier de la RD703 entre Calviac-en-Périgord et Rouffilac-de-Carlux a commencé à la mi-mai 2015. « À cette occasion, je lui ai dit de ne pas faire cette déviation de Beynac ». Bernard Cazeau est alors interloqué par la réaction de son interlocuteur, qui « devient tout de suite violent ». Il précise qu’il s’en est aussi ouvert à son directeur général des services Marc Bécret. Aux yeux du sénateur, Germinal Peiro passe cette scène sous silence, sans qu’on l’encourage à briser la glace.
De cette affaire de déviation, le sénateur Cazeau retient qu’ « on ne va pas contre un maire ». Un avis partagé par… Édouard Philippe, qu’il entend encore manifester sa stupéfaction. « C’est la première fois que je vois une déviation faite contre l’avis du maire du coin ! ».
Mr Peiro meurt sans doute d’envie de prendre la tête d’un « Comité de salut public ». Rien de mieux pour nettoyer la République de tous ces châtelains et de ceux qui leur obéissent. Il vise bien entendu les seuls châtelains qui ne sont pas d’accord avec lui, ceux-là mêmes qui ont rejeté son projet de déviation. On les comprend, leurs châteaux (dont deux ouverts aux visiteurs) situés dans l’un des plus beaux sites de la vallée de la Dordogne, et qui participent activement au développement touristique du département, auraient souffert de la balafre paysagère que lui aurait infligé cette déviation routière. Le propriétaire du château de Montrecour, par ailleurs roi des zones commerciales tueuses de centres villes (Sarlat) et de l’éclairage nocturne (qu’il impose à tout un village sur sa propriété, comme une piste d’aéroport), échappe bizarrement à sa vindicte ! Dommage pour lui que la déviation ne se fasse pas : son château, situé au débouché de la déviation, aurait pu tirer moult avantages de cette dernière, avec, depuis le rond-point, une voie d’accès directe.
Le ‘Fouquier-Tinville’ (accusateur public du Tribunal révolutionnaire, qui a d’ailleurs très mal terminé…) de la Dordogne n’aime pas qu’on contrarie ses projets. Celui de la déviation de Beynac est plus qu’un projet, c’est d’abord et surtout son affaire personnelle. Et d’apprendre que la Justice lui « barre la route » lui est insupportable… Adieu route, beaux ponts, bitume et béton… Non, G. Peiro n’est pas la Pérette de la fable, il ne peut l’accepter, encore moins que cette même Justice l’oblige à démolir les piles de béton que Bouygues a eu le temps de planter au beau milieu de la rivière, en faisant table rase de la ripisylve naturelle et de ses arbres centenaires. Choquantes excroissances buboniques en plein site Natura 2000 et zone centrale d’une réserve de biosphère ! Comme il n’a plus de recours possible, Peiro alias Fouquier-Tinville tire ses dernières cartouches, exhortant la population à la révolte : « Faites comme les zadistes naguère : couchez-vous devant les bull-dozers et résistez ! », allant même jusqu’à ouvrir l’affreux chantier inachevé aux touristes !
Les zadistes de 2018 n’étaient pas des châtelains, ni d’ailleurs les 80 % d’opposants signataires de l’enquête publique de 2017. Et le « peuple » que Peiro exhorte se réduit de fait à une minorité. Les zadistes étaient des électrons libres, n’obéissaient à personne, guidés par leurs seules convictions. L’écologie est leur religion. Ce projet d’arrière-garde, défigurant un site protégé, ne pouvait que les scandaliser, comme NDDL, Sivens ou la retenue de Caussade.
Dans son combat d’arrière garde, G. Peiro vise par ses manœuvres à ranger le plus de Périgourdins possible derrière lui, c’est-à-dire au sein du groupe pro-déviation « J’aime Beynac » animé par des membres de sa famille et ses amis. G. Peiro se dit républicain, mais il tire à boulets rouges sur la République et la Justice. Et comme s’il n’y avait pas suffisamment de problèmes urgents à régler en ces moments de crise sanitaire, de crédits à affecter vers les secteurs autrement plus prioritaires, il continue de brandir l’étendard de la révolte autour de ce projet d’arrière-monde, totalement à rebours de la transition écologique… Une transition que la France doit pourtant absolument effectuer pour satisfaire les normes drastiques d’émissions de GES, réduire ses effroyables pertes de biodiversité et son artificialisation galopante de sols. Trois domaines que le Département aurait piétinés sans scrupule s’il avait pu mener à son terme ce projet de déviation.
La justice a pris la sage décision d’arrêter le chantier de la déviation de Beynac au motif qu’il n’était pas d’un intérêt public majeur. Car la notion a évolué. Elle intègre désormais la préservation du patrimoine, du paysage, de la biodiversité, et des ‘services’ écologiques. On a changé d’époque : on n’aménage plus sans discrimination comme autrefois, on ne salit plus de bitume et de béton une vallée aussi prestigieuse pour éviter la gêne de quelques semaines d’embouteillages estivaux et gagner quelques minutes de trajet. Les autorisations dérogatoires de destruction d’espèces et d’espaces protégés sont devenues particulièrement drastiques. Elles ne sont délivrées qu’à titre exceptionnel. Dans le cas de ce projet, le manque d’impartialité des études réalisées par un bureau d’étude à la solde du département, a été démontré et dénoncé. Le Conseil d’Etat, dans ses décisions, a respecté à la lettre les textes et la jurisprudence européenne en la matière. Il était temps, car la France fait partie des dix pays du monde qui perdent le plus de biodiversité ! Pour Beynac, on le sait, il y avait des alternatives : la nouvelle traverse dans le village a réglé une partie des problèmes de fluidité de trafic ; mais on peut encore, avec des améliorations peu coûteuses, réduire le trafic en période estivale, notamment en détournant une partie du flux des camions par l’autoroute. Et en ce qui concerne la « voie douce » qui devait longer la déviation (sic!), ne pourrait-elle pas longer l’actuelle route départementale et pittoresque rive droite de la Dordogne ? (à moins que l’on puisse adosser une passerelle aux ponts ferroviaires existants).
Pour mieux convaincre, G. Peiro ne craint pas d’afficher des contre-vérités : « Gabegie d’argent public… » Oui, sans doute, mais à qui la faute ? Qui a démarré le chantier tambour battant sans attendre de purger tous les recours en justice ? Qui a fait couler dans l’urgence (durant la Trêve des confiseurs 2018) les 800m3 de béton du radier du pont – rail SNCF, en ré-ouvrant les centrales à béton, et en obligeant, en pleine nuit, les chauffeurs de toupies à reprendre du service, alors que tout le monde savait que le CE était sur le point de suspendre les travaux ? Qui a mis des bâtons dans les roues de l’ex-Maire de Beynac pour empêcher l’ouverture d’une traverse villageoise, dont Mr Peiro craignait bien sûr qu’elle n’enlevât toute justification à sa déviation ?
Car Mr Peiro, avec l’aplomb d’un pyromane qui crie « au feu », clame haut et fort qu’il a dépensé 27 millions d’euros et que 60 % du chantier est achevé ! Si l’on peut croire en la dépense, le stade de réalisation, lui, est largement exagéré : il n’atteint pas 40 % (selon deux expertises indépendantes). Mais si 27 M€ ont bien été dépensés pour seulement 40 % de travaux, cela signifie que G. Peiro a menti aux citoyens en sous-estimant considérablement le coût total de l’ouvrage (32 M€) et ce projet aurait allègrement terminé à plus du double ! Contrairement à ce qu’il donne à croire, l’arrêt des travaux est donc bien moins coûteux que leur poursuite. Et la remise en état ? Les mêmes experts l’estiment à 5 ou 6 M€, tandis que le président du Conseil départemental, lui, affirme qu’il y en a pour 11 voire 15 M€ ! Il faut dire qu’il veut faire précéder cette remise en état de toute une série d’études et demandes d’autorisation inutiles. Histoire de gonfler la note finale et d’allonger le plus possible les délais… Alors, le Préfet lui a envoyé une feuille de route. Mais, il l’a dit, il ne touchera pas à ce qui a été fait. Pourrir la situation beynacoise est sans doute ce qui qualifie le mieux ce qu’il a dans la tête. Avec un tel comportement, enfantin et totalement antirépublicain, il est à craindre, si la raison ne l’emporte, que le site de Beynac reste encore longtemps défiguré par les affreux stigmates de ce chantier abandonné. En l’ouvrant au public — qu’il croit fermement acquis à sa cause —, G. Peiro ne semble pas réaliser qu’une majorité de visiteurs, si tant est qu’il y en ait beaucoup, pourrait venir pour un motif inverse à celui qu’il escompte et quitter le magnifique site avec, comme à Notre-Dame-des-Landes, cette pensée définitive : plus jamais ça !
L’excellent dossier de Germinal ¨PEIRO a fait se bouger:
le « rénégat » (acheteur de 26 parcelles)
et l’écolo « arriéré »
Mais rien que de la haine politique;du charabia et règlement de comptes volant au plus bas!
Rendez vous à tous ces messieurs quand il faudra compter les dégats et les victimes !!!
Par contre dommage que les militants LFI de la Dordogne servent ainsi la soupe à leurs adversaires ….