
La pandémie de covid-19, qui focalise l’attention de l’opinion et des relais d’informations, a balayé bon nombre de sujets qui, avant le confinement, faisaient l’actualité. C’est ainsi qu’en Dordogne, le dossier de la déviation de Beynac a, lui aussi, cessé net d’embraser le quotidien. Pourtant, en plein confinement, il y a du nouveau. En effet, la commission administrative d’accès aux documents administratifs (CADA) a tranché : l’association de sauvegarde de la Vallée de la Dordogne (ASV Dordogne), qui a historiquement été des opposants n°1 au chantier, est bien fondée à vouloir avoir connaissance de toutes les dépenses que le Département de la Dordogne a engagées dans son projet, y compris en matière de communication. Après que la cour d’appel administrative de Bordeaux a ordonné la démolition du chantier et la remise en état du site, c’est un nouveau revers pour la collectivité, même si les avis de la CADA ne sont que consultatifs -toutefois, ne pas les suivre ouvre droit à une action contentieuse.
À la demande de l’association de sauvegarde de la Vallée de la Dordogne (ASV Dordogne) qui l’avait saisie l’automne dernier, la CADA a répondu, le 02 avril 2020. La pandémie du covid-19 a expédié son avis (uniquement consultatif) hors champs médiatique. Pourtant, celui-ci pourrait rouvrir le volet de discussion autour du contournement de Beynac– sur son coût, cette fois. En effet, la CADA a émis un avis favorable à la demande de l’ASVD, qu’elle estime donc fondée à se voir communiquer l’ensemble des dépenses engagées dans le projet par le Département de la Dordogne, notamment les factures déjà réglées. Malgré les arguments que son président Germinal Peiro a fait valoir pour indiquer que la chose était déjà faite… en même temps qu’il a défendu l’idée qu’il était « abusif » de demander à la collectivité de le faire.

Le refus du Département de la Dordogne de communiquer le détail de l’ensemble des engagements financiers liés au chantier du contournement de Beynac n’a pas découragé l’ASVD. Au nom de l’association d’opposants au projet, son président Philippe d’Eaubonne avait saisi la CADA, qui enregistrait sa demande le 15 octobre dernier. Pour rappel, le chantier de la déviation était alors à l’arrêt, sur décision du tribunal administratif de Bordeaux, qui avait ainsi confirmé la décision du Conseil d’État, en annulant l’arrêté préfectoral autorisant les travaux. Ce n’est que le 10 décembre 2019 que le Département allait être enjoint par la cour d’appel administrative de Bordeaux de démolir le chantier et de remettre le site en état. La collectivité a, depuis, saisi le Conseil d’État, à la mi-février.
Avoir connaissance de la facture, depuis le poste communication jusqu’à celui du marché public avec Bouygues et ses sous-traitants
L’ASVD souhaitait avoir connaissance de 8 postes de dépenses qu’elle avait recensés à cette date, soit, Un, les coûts liés à la campagne d’affichage et de presse liée à la manifestation du 16 février 2019 sur le chantier du Pech ainsi que le coût du personnel payé par le Département dépêché ce même jour, sans oublier le transport des personnes pro-déviation en bus ; Deux, le coût d’installation de bungalows pendant l’été 2019 pour informer les touristes sur le chantier avec ceux liés à cette opération de communication (parmi lesquels figure le coût de la revue Vivre en Périgord consacrant plusieurs pages au chantier) ; Trois, le coût de tous les tracts couleur au format 21×27 diffusés sur des emplacements publics ; Quatre, le coût du marché public conclu avec Bouygues et ses sous-traitants (en clair, la copie du document contractuel) ; Cinq, le coût des travaux engagés (heures supplémentaires réglées au personnel du chantier comprises) ; Six, le coût du bétonnage du pont rail des Milandes (passage sous voie SNCF) opéré le 27 décembre 2018 ; Sept, le coût des opérations juridiques (constats d’huissiers, frais de justice liés aux plaintes déposées, frais de justice liés aux actions juridiques devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’État) ; Huit, le coût des pénalités contractuelles liées à l’annulation du chantier en cours.
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Un bilan financier est en ligne… mais il ne suffit pas
Dans son avis, la CADA rappelle que l’ensemble des documents demandés « sont communicables ». Cependant, le président du Département Germinal Peiro a fait savoir à la commission que, précisément, tous ces documents « avaient fait l’objet d’une diffusion publique », constat à même de faire tomber le motif à les demander. En effet, la CADA a « constaté » qu’un bilan financier détaillé au 15 octobre 2019 était « notamment » disponible en ligne ICI… de quoi alors déclarer la demande d’avis irrecevable. Reste qu’elle a aussi acté que ledit bilan ne répondait pas à toute la demande de pièces de l’ASVD : des éléments manquent, et la CADA émet un avis favorable à leur communication. Avant d’ajouter que ce n’est pas parce qu’il y a eu transmission de « certaines pièces comptables » à l’ASVD pendant la bataille judiciaire que celle-ci est privée du droit d’accès réglementaire. Toutefois, si, précise la CADA, il fallait effectuer des recherches pour rassembler les documents demandés ou « établir un document » récapitulatif, ce droit d’accès ne s’appliquerait pas. Mais, « contrairement » à ce que le président du Département Germinal Peiro lui a « indiqué », les documents chiffrés demandés « existent » ou bien leur collecte ne nécessite précisément pas un travail exceptionnel.
Que couvre le « secret des affaires » ?
Par ailleurs, la CADA revient sur la demande de copie du marché conclu avec Bouygues et ses sous-traitants. S’il s’agit bien d’un document qui peut être diffusé, c’est à la condition que le « secret des affaires » soit respecté. Et de lister les éléments qui sont couverts par celui-ci : « mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification du système qualité, aux certifications tierces parties et aux certificats de qualification concernant la prestation demandée », mais aussi « toute mention concernant le chiffre d’affaires, les coordonnées bancaires et autres références correspondant aux marchés publics ». Aussi, dès l’instant que cette condition est remplie, la CADA émet un avis favorable à la communication de cette copie du marché.
La CADA en désaccord avec le président Germinal Peiro, qui a invoqué une demande « abusive »

Si le président du Département Germinal Peiro a aussi fait savoir à la CADA qu’il estimait la demande de l’ASVD « abusive »… ce n’est pas ce que considère la CADA, qui ne voit pas en quoi la collectivité verrait son fonctionnement « délibérément » perturbé ou la charge de travail requise pour y répondre au-dessus des moyens à sa disposition.
Merci pour ces dernières informations sur le positionnement de la CADA. La presse locale, sans surprise, ne semble pas se précipiter pour en parler. Il serait plus que temps de connaître toutes les dépenses afférentes à ce chantier. Certes, il y a d’autres priorités avec la crise du Covid, mais il va bien falloir un jour mettre un terme à la gestion occulte et desservant des intérêts personnels de ce département.