
À Ribérac, la campagne des municipales se durcit, avec les inquiétudes qui ont surgi autour de la survie de l’abattoir, dont l’actionnaire Arcadie a brusquement annoncé, vendredi 14 février 2020, qu’il allait se désengager… dès le 1er mai prochain. Si Patrice Favard, qui emmène la liste Continuons ensemble pour Ribérac voit l’organisation de sa campagne « bouleversée », il estime qu’il n’a pas le choix : il est le maire de Ribérac, la recherche d’un avenir pour l’abattoir s’impose en priorité dans ses préoccupations. S’il juge le télescopage des calendriers économique et politique fâcheux, il refuse de croire à « un coup politique ». Et répond pied à pied à ses concurrents Philippe Chotard, numéro Un de la liste Agir pour Ribérac -surtout- et Nicolas Platon, tête de la liste Ribérac, l’avenir avec vous. En gardant le sourire, comme le signe de sa détermination.
À Ribérac, l’annonce soudaine du retrait de l’abattoir de l’actionnaire ruthénois Arcadie a fait l’effet d’un coup de semonce. Face au péril encouru par le personnel et la filière, Patrice Favard, qui brigue un deuxième mandat à la tête de la liste Continuons ensemble pour Ribérac, annonce qu’en qualité de premier magistrat, la recherche d’une solution en urgence pour sauver le site va l’obliger à être « moins présent » dans la campagne. Le sort est cruel, voilà tout : il ne croit pas à l’hypothèse d’un « coup politique ». Et ses concurrents Philippe Chotard, numéro Un de la liste Agir pour Ribérac -notamment- et Nicolas Platon, numéro Un de la liste Ribérac, l’avenir avec vous, ont sa réplique aux sujets en débat.
« La question de l’abattoir va vicier le débat »
« Pourquoi la récente décision concernant l’abattoir tombe-t-elle au beau milieu de la campagne des municipales ? Je n’ose imaginer qu’il puisse s’agir d’un coup politique contre moi. D’ailleurs, si j’avais le moindre doute étayé, je le dirais ». En tout état de cause, le péril économique qui plane, depuis vendredi 14 février 2020, sur l’abattoir de Ribérac, avec l’annonce du désengagement de l’actionnaire Arcadie, va désormais, aux yeux de Patrice Favard, « vicier le débat » -au passage, la soudaineté de ce retrait aurait aussi mérité une interrogation du sénateur Bernard Cazeau, soulevée en réunion avec le préfet de la Dordogne Frédéric Perissat jeudi 20 février 2020 (voir ci-dessous). Côté Patrice Favard, déjà, « la campagne passe derrière ce dossier » : il est avant tout le maire de Ribérac. Aussi, « c’est le prix à payer », il « sera maintenant moins présent ». Et tant pis si le candidat commet « une erreur stratégique », le premier magistrat ne transigera pas avec les obligations de sa fonction, surtout à l’heure où les salariés de l’abattoir, leurs familles et toute la filière concernée sont plongés dans l’inquiétude.
« Ces chamailleries autour de l’éligibilité de Nicolas Platon, c’est le problème de Nicolas Platon, de Philippe Chotard et de Germinal Peiro. Ce n’est pas le mien »
« Que Philippe Chotard soit courroucé de ne pas avoir été de la réunion sur l’abattoir avec le président du Département, ce n’est pas ma préoccupation ». Oui, Patrice Favard « a été informé » du fait que Nicolas Platon avait lui aussi demandé un rendez-vous à Germinal Peiro et qu’ils allaient être reçus tous deux ensemble, mardi 18 février 2020… et alors ? en somme. Philippe Chotard, lui, dans Sud-Ouest, se demandait publiquement en quelle qualité Nicolas Platon s’y trouvait… déclenchant l’ire de ce dernier. Ces « chamailleries » autour de la question de l’éligibilité de Nicolas Platon, « c’est le problème de Nicolas Platon, de Philippe Chotard et de Germinal Peiro. Ce n’est pas le mien ». Le désintérêt de Patrice Favard laisse toutefois la place à l’émission d’un avis. Il concerne le candidat Chotard, dont la réaction lui a fait penser à « la petite crise d’un enfant qui n’a pas été invité au goûter ». Attitude qui, de surcroît, ne parviendrait ni à faire oublier « le manque de réactivité, surtout » de ce dernier, ni sa « faiblesse » dans la connaissance du dossier de l’abattoir. Plus généralement, le candidat Favard pointe au demeurant « beaucoup de tension » chez Philippe Chotard, observation qui, dit-il, est partagée dans la population, « par tous les gens qui le voient ». Cette crispation serait toute nouvelle. « Jusque-là, Monsieur Chotard était assez policé ».
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« Je suis confiant dans la mobilisation des acteurs du dossier de l’abattoir »
« Le préfet de la Dordogne Frédéric Perissat va rencontrer le directeur général d’Arcadie Michel Pélissier la semaine prochaine. Il va sans doute demander du temps. C’est ce qui manque à tous les acteurs aujourd’hui ». Mardi 18 février 2020, le président du Département Germinal Peiro avait indiqué qu’il allait solliciter un « sursis de six mois » auprès de l’actionnaire rhuténois, qui prévoit de concrétiser son retrait le 1er mai, de sorte que la recherche d’une solution puisse se dégager. Jeudi soir 20 février 2020, le représentant de l’État a manifesté son soutien au maire de Ribérac lors d’une réunion, à laquelle le sénateur Cazeau –« le soutien LREM de Philippe Chotard »- était présent (1). Voilà de quoi inviter Patrice Favard à être « confiant dans la mobilisation des acteurs de ce dossier ». Le maire de Ribérac précise à cet effet que, « si, à ce jour, le Département n’était pas concerné, il est compétent en matière agroalimentaire et devra s’engager, sachant que la collectivité a, en outre, enclenché une politique de soutien au secteur ». Et d’insister. « Le Département sera un acteur incontournable ». Patrice Favard s’est également entretenu jeudi 20 février avec le vice-président à la Région en charge de l’agriculture Jean-Pierre Raynaud pour « demander que la collectivité de Nouvelle-Aquitaine continue de témoigner son soutien » à l’abattoir de Ribérac. La Région devait y réfléchir hier vendredi 21 février 2020. C’est une course contre la montre qui a débuté car, aujourd’hui, il s’agit de trouver une solution… dans les deux mois. « J’ai discuté avec les éleveurs. Sauf miracle… ». Patrice Favard veut croire qu’il va y avoir un temps pour se retourner et labourer le champ des possibles.
« Le retrait d’Arcadie était une option semble-t-il évoquée depuis longtemps. Ça m’a énervé »
« Arcadie avait la possibilité de se démettre comme toutes les entreprises, la liberté économique, c’est comme ça ». Voilà pour le premier volet de la réponse de Patrice Favard au candidat Chotard, qui s’est étonné de constater, en résumé, que le montage financier n’ait pas prévu des conditions d’engagement fermes. Au second volet, maintenant. Lors du conseil d’administration de lundi 24 février 2020, « nous allons étudier les règles juridiques, les conditions de retrait ». Ceci dit et même quand ceci sera fait, « ça ne va pas changer la vie des éleveurs ». Aussi le maire justifie-t-il l’enclenchement des étapes de l’opération sauvetage de l’entreprise dans le bon ordre des priorités. « Je n’ai pas d’abord évoqué la nature de la décision d’Arcadie : brutale, violente et sans véritables signaux précurseurs ». Que ceux qui avancent qu’ils « s’en doutaient » se souviennent qu’une fois l’histoire passée, « c’est facile ». Si « le retrait du groupe Arcadie de l’abattoir était prévu pour fin 2021 », ledit groupe a « été d’accord avec l’augmentation de capital, avec le projet de devenir majoritaire ». Rétrospectivement, lors du dernier conseil d’administration, qui s’est tenu le 04 février 2020, un évènement aurait-il pu être le signe que le groupe ruthénois rétropédalait ? « Sur la question de la libération du capital, il s’était abstenu » (2). Alors, en s’entretenant cette semaine avec le DG Michel Pélissier, Patrice Favard a compris que « cette option (le retrait) était semble-t-il évoquée depuis longtemps ». De quoi se sentir « énervé ». En effet, qui aurait pu flairer ce brusque départ, en entendant, au fil des réunions, les représentants d’Arcadie déclarer, que le groupe « maintenait (ses) tonnages » ? Total : retour à la fichue interrogation initiale du « coup politique », à laquelle Patrice Favard maintient pourtant qu’il « ne croit pas ». Il prend simplement acte du « télescopage des calendriers économique et politique ». La nouvelle est « un choc », que l’effet de surprise renforce. S’il « imagine » que « pour Arcadie, la campagne électorale à Ribérac passe à vingt milles », il se souvient aussi que le DG Pélissier lui a dit cette semaine : « Vous savez, on se désengage de plusieurs abattoirs depuis plusieurs mois… ». Pas de quoi alors freiner la curiosité du premier magistrat, qui a enchaîné une autre question : « Et à proximité des échéances électorales ? ». Patrice Favard s’est, dit-il, alors entendu répondre un « Certes… » qui a encore épaissi le mystère de ce désengagement soudain.
« Comme les eaux de la mer Rouge s’étaient écartées devant Moïse, Philippe Chotard devait penser que les portes de Ribérac s’ouvriraient devant lui »
« Avec le prétendu constat d’une alliance objective entre ses deux concurrents, dont Philippe Chotard fait état, on est dans le délire ». C’est « la réalité du personnage (Philippe Chotard), qui s’agace » qui serait mise au grand jour. « A priori, Monsieur Chotard pensait arriver de Paris en terrain conquis. Comme les eaux de la mer Rouge s’étaient écartées devant Moïse, les portes de Ribérac allaient s’ouvrir devant lui ». Oui, ayant tous deux travaillé au Département (Patrice Favard, comme collaborateur des élus de l’opposition), « avec Nicolas Platon, on se connaît ». Sauf que Patrice Favard « n’est pas là pour copiner ». D’ailleurs, il tient à citer Nicolas Platon. « La campagne se finira à trois », lui aussi en fait le pari. Et il s’applique à rafraîchir les mémoires, dans le même temps. « Le seul à avoir parlé d’alliance, c’est Philippe Chotard, en s’adressant à Nicolas Platon » auquel finalement il tendait la main. C’est que le candidat Chotard aurait dû avoir en tête que, pour se lancer dans la course, « il faut des hommes et des idées ». Or, selon Patrice Favard, ce n’est qu’aujourd’hui que ce concurrent-là « s’en rend compte ». Qui plus est après « avoir passé son temps à essayer de (lui) prendre des gens de (son) équipe, un ? deux ? », mais aussi après « avoir questionné tous (ses) élus », sachant que, « dans son programme, il a des idées que je veux lancer ».
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« Je ne me permettrai pas de dire à la soixantaine d’élus de l’intercommunalité qu’il faut couvrir la piscine de Ribérac plutôt que celle de Verteillac »
« Philippe Chotard me reproche de n’avoir pas fait la crèche qui figurait à mon programme, il y a six ans. C’est que j’avais commis la même erreur que lui sur la question de la petite enfance : c’est une compétence intercommunautaire ». Patrice Favard explique s’être penché sur son projet « dès le congrès des maires de 2014 », au cours duquel il s’était rapproché de La Maison bleue, dont il avait ensuite reçu des représentants à Ribérac. Une étude avait même été engagée, en 2015. Or, « Le territoire est maillé en termes de maisons d’assistantes maternelles (MAM) et de relais d’assistantes maternelles ». Certes, il aurait « vaguement pu sortir la petite enfance » de l’intercommunalité. Reste que l’affaire aurait eu « des conséquences sur les aides de la CAF ». Toutefois, Patrice Favard reste attentif, en recevant ces jours-ci deux personnes désireuses de lui présenter leur projet de MAM. Mais, décidément, le candidat Chotard mélange les attributions de la commune et de la communauté de communes. Ainsi, « il se trompe pour son projet de piscine couverte » également, qui ne peut être réalisé qu’à l’initiative de l’intercommunalité. Or, lui, Patrice Favard « ne se permettrait pas de dire à la soixante d’élus de son assemblée qu’il faut couvrir la piscine de Ribérac plutôt que celle de Verteillac ».
L’oeil sur les finances de la Ville
« Oui, j’avais parlé des façades ». Un projet dont le candidat Chotard a pointé qu’il ne l’avait pas vu se concrétiser non plus. Patrice Favard explique qu’il s’est plusieurs fois rapproché de l’établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine. Qu’il pense aussi toujours au soutien potentiel conjoint dédié aux sites patrimoniaux remarquables pour envisager cette réalisation. Mais on ne le détournera pas d’une préoccupation : « faire attention aux finances de la Ville ». Pouvait-il s’attendre à devoir composer avec le désengagement de l’État, qui s’est traduit par « 1,7 M€ de recettes en moins sur l’ensemble du mandat » ? Que l’on se rassure, le candidat « a plein d’idées ». S’il est arrivé qu’il y renonce, c’est qu’ « il faut garder les pieds au sol, bien ancrés ». Surtout qu’une fois suffit… « Quelles surprises l’État réserve-t-il encore aux collectivités ? ».
« Pour la déviation de Ribérac, pour des raisons différentes, on se rapproche de Beynac »
« Je n’ai pas le nombre exact de parcelles qui restent à acquérir. Ceci dit, c’est un débat chotarien-platonien ». Surtout, de l’avis du candidat Favard, avec le projet de déviation de Ribérac, « pour des raisons différentes, on se rapproche de Beynac ». Il rappelle que la présentation publique remonte à 2013, moment où Bernard Cazeau était le président du conseil général de la Dordogne… et époque à laquelle les camions circulaient déjà. Patrice Favard maintient qu’il veut organiser une « consultation citoyenne sur la déviation nord, qui a fait l’objet de la présentation de 2013 », pour que « tous les Ribéracois » puissent donner leur point de vue, en ayant conscience qu’elle n’aurait pas valeur légale. Non, son idée est d’ « apporter des éléments de réflexion au Département », dont le projet « ne porte aujourd’hui que sur la première partie » du tracé -l’autre partie, appelée « petit barreau », n’en est pas. La consultation qu’il a en tête serait « plus ouverte », autrement dit, elle ne le limiterait pas à demander si l’on est pour ou contre. Patrice Favard projette de « l’accompagner de réunions publiques qu’il organisera avec l’ensemble des partenaires, notamment le Département ».
« Une cité scolaire à 6 M€, c’est 4 fois l’aménagement du centre-ville. Ribérac n’a pas les épaules »
« La commune a régulièrement investi -soit plus de 200 000 € pendant le mandat- dans les bâtiments scolaires pendant mon mandat. Je prévois de les intégrer dans le plan pluriannuel d’investissements de mon programme 2020 ». Si, dès 2014, « les parents d’élèves (lui) avaient demandé de regrouper l’école maternelle et les deux écoles primaires », Patrice Favard avait choisi d’opter pour le « reclassement ». En entendant son concurrent Nicolas Platon évoquer son projet de cité scolaire, le candidat à un deuxième mandat s’interroge sur le financement assorti. « Pour ma part, je m’oppose à l’augmentation des impôts ». Par ailleurs, il juge qu’envisager ladite cité scolaire revient à prendre un sacré risque. « Les effectifs scolaires diminuent donc il faudrait a minima obtenir un moratoire de l’Éducation nationale… moratoire que nous n’aurons pas ». Il va donc de soi, dans son idée, que « Ribérac n’a pas les épaules » pour pareil projet. Plus précisément et dit autrement, « une cité scolaire à 6 M€, c’est quatre fois l’aménagement du centre-ville et Ribérac ne dispose pas de la capacité d’investissement nécessaire ». Non, impossible en outre aux yeux du candidat Favard « d’endosser 6 M € sur un seul mandat, ce qui n’est rien d’autre qu’obérer toute capacité d’investissement pour des années et des années et creuser la dette ». Une opération qui ne pourrait faire l’économie d’ « une augmentation de la fiscalité ».
« Je ne tomberai pas dans la mégalomanie (…) Le maire n’est pas là pour se faire plaisir »
« Il vaut mieux être l’homme d’un projet réussi que l’homme de dizaines de projets non réalisables ». Que Philippe Chotard se le dise, pour Patrice Favard, un mandat n’est pas seulement destiné à accomplir des grands projets. Il faut aussi veiller aux questions de citoyenneté, de liberté, d’animation culturelle… et il souligne qu’il a permis que cette dernière soit effective toute l’année. Le candidat Favard comprend que Philippe Chotard ait le sentiment que la culture ne s’anime qu’aux beaux jours à Ribérac : « il n’était pas là et il est mal renseigné ». Alors Patrice Favard le martèle : « je ne tomberai pas dans la mégalomanie ». Une inclination qui ne ressemble pas aux habitants du territoire, au demeurant. « Ici, le bon sens paysan prévaut, le maire ne dépense pas plus que ce qu’il y a dans les caisses de la Ville, il n’est pas là pour se faire plaisir ». Les tracts du candidat parisien Cédric Villani, récemment exclu de LREM, Patrice Favard les a vus. S’il n’a pas eu les moyens de vérifier les chiffres (le candidat Villani avance 84%), il retient que « la dette de Paris a explosé ». Or, « Philippe Chotard était directeur général des services… ». Alors oui, le candidat Favard assume « préférer le sérieux à l’amateurisme », il ne jouera jamais à l’apprenti sorcier, pas question de menacer les comptes de la Ville. L’observation vaut d’ailleurs aussi pour Nicolas Platon, qui « a un point commun avec Philippe Chotard : il appartient aussi à une majorité politique qui a fait exploser la dette ». C’est que, selon le candidat Favard, ses deux concurrents ont « le même ADN », qui implique que, dans le même temps, la « hausse des impôts » s’impose, de fait. Tandis que « ce qu’(il) propose est peut-être moins sexy, mais c’est réaliste ».
(1) Assistaient aussi à cette réunion le député MoDem de la 3e circonscription Jean-Pierre Cubertafon, le président de la chambre d’agriculture Jean-Philippe Granger, le conseiller départemental Nicole Gervaise.
(2) Patrice Favard détaille : « Cette libération de capital était une nouvelle exigence de la Région. De mon côté, pour des facilités bancaires, j’avais proposé avant qu’elle s’effectue en deux ou trois fois. Mais la Région m’a recontacté, elle voulait un seul chèque. Il restait alors trois quarts du capital à apporter, voilà comment la question s’est formulée ».