
La cour administrative d’appel de Bordeaux a suivi, hier mardi 10 décembre 2019, les conclusions que le rapporteur public Sylvande Perdu avait formulées à l’audience du mardi 26 novembre 2019. Aussi, le Département de la Dordogne est-il enjoint de démolir le chantier qu’il a entamé pour réaliser son projet de contournement de Beynac. Et fissa. C’est que la justice a jugé que ledit projet ne présentait pas d’intérêt public majeur.
Sur le dossier du projet de déviation de Beynac, la justice a tranché. Hier mardi 10 décembre 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux, que préside Elisabeth Jayat, a retoqué ledit projet que porte le Département de la Dordogne, et pour lequel son président Germinal Peiro a multiplié les montées au front. Non, ont jugé les magistrats, ce projet de déviation de Beynac ne présente pas d’intérêt public impératif majeur. Aussi, la collectivité est-elle enjointe d’engager le processus de démolition des éléments construits hors des berges et du lit de la Dordogne dans un délai d’un mois, et sous un an, de procéder à l’ensemble des opérations de démolition des éléments construits de l’ouvrage et de remettre les lieux en état.
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Pour rappel, le contournement de Beynac-et-Cazenac concerne les communes de Castelnaud-la-Chapelle, Vézac et Saint-Vincent-de-Cosse.
Ils étaient plusieurs à avoir demandé l’annulation de l’arrêté du préfet de la Dordogne du 29 janvier 2018 : la société Newell enterprises inc et Natalee Newell, la Sepanso Dordogne et l’association de défense de la Vallée de la DordogneSaint-Vincent-de-Cosse –Beynac– Fayrac–Vézac, l’association de Sauvegarde de la Vallée de la Dordogne, la fédération Patrimoine-environnement, l’association La demeure historique, ainsi que deux particuliers – Régis Ouvrier-Bonnaz et Sylvianne Quaillet. Et le tribunal administratif leur avait donné raison le 09 avril 2019.
Le Code de l’environnement peut être… contourné… mais à certaines conditions
L’article 411-2 du code de l’environnement prévoit, en résumé, que la destruction des espèces animales protégées, mais aussi celle de la flore et encore celle des habitats des animaux cités sont interdites. Toutefois, le législateur a également prévu que l’autorité administrative puisse… contourner ces empêchements. Encore faut-il toutefois que celle-ci satisfasse à une série de conditions. De ce fait, un projet d’aménagement ou de construction peut obtenir de déroger aux interdictions ci-dessus si et seulement si il répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, sachant qu’au regard des atteintes portées aux espèces protégées revues à la lumière des mesures de réduction et de compensation que le porteur de projet a prévues, il n’y a pas d’autre solution satisfaisante et que le maintien convenable de ces espèces protégées n’est pas remis en question.

Le poids du « rapport Forray »
Dans la motivation de son jugement, la cour est revenue notamment sur le rapport du conseil général de l’environnement et du développement durable, appelé usuellement rapport Forray (du nom du haut-fonctionnaire Nicolas Forray) établi en septembre 2017 pour faire valoir neuf faits.
Un, après que le projet de déviation a été déclaré d’utilité publique, l’A89 a été mise en service (entre 2004 et 2006), dégonflant ou, au moins, stabilisant la circulation de grand transit sur la RD 703.
Deux, une voie piétonne qui surplombe la rivière Dordogne a été aménagée dans le bourg de Beynac (entre 2015 et 2017). Celle-ci est positionnée en contrebas de la chaussée, dont elle est séparée par un muret. De la sorte, la route a pu être élargie dans le bourg de Beynac. Le rapport Forray a mesuré, à l’été 2017, le temps qu’il fallait compter pour traverser le bourg de Beynac : « environ 2 minutes ». Les magistrats soulignent qu’aucun des éléments que le Département a produits pour contester cette mesure ne permettait de la remettre en cause.
Trois, la preuve n’est pas faite que les reports de la circulation espérés du projet de déviation de Beynac -85% l’hiver et 90% l’été- soient compatibles avec l’attractivité de Beynac et, poursuivent les magistrats, en admettant que la déviation décale en moyenne du bourg 60% du trafic total, sa vocation n’est pas d’éviter de façon significative le croisement des véhicules de grand gabarit (…) d’autant qu’on voit mal les camping-cars renoncer à emprunter la RD 703. Il n’est en outre pas exclu du tout que la déviation encourage même les touristes en général à l’emprunter. Bref, non, disent les magistrats, la déviation n’apparaît pas de nature à fluidifier la circulation.
Quatre, la déviation laissant subsister des causes de possibles ralentissements, rien de permet d’avancer que l’intervention des sapeurs-pompiers serait accélérée.
Cinq, rien ne permet non plus aux magistrats de constater que la déviation améliorerait la sécurité des piétons, quoi que maintienne le Département. En revanche, ceux-ci retiennent que deux idées du rapport Forray permettraient d’abaisser le risque qu’ils courent : déplacer le marché hebdomadaire très fréquenté et mobiliser un agent communal.
Six, ce n’est pas la déviation qui empêchera les risques d’éboulement de la falaise du bourg du Pech, sachant qu’elle n’empêchera pas les conducteurs d’emprunter la RD703.
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Sept, si un bus scolaire devait être immobilisé, rien dans les arguments invoqués par le Département ne permet de prouver que l’évacuation des passagers serait impossible, au regard des aménagements auxquels la commune a précisément procédé. En tout état de cause, ce n’est pas la déviation qui empêcherait la catastrophe évoquée puisque les bus scolaires notamment continueraient d’emprunter la RD703. Alors, si, en effet, la déviation diminuerait les cas de croisement difficile des véhicules de gros gabarit, cet abaissement ne répond pas à un intérêt public majeur.
Huit, si la déviation offrirait une solution au bruit généré par la circulation, qu’elle réduirait, comme le niveau des émissions polluantes, de la même manière, il ne s’agit pas de conséquences bénéfiques primordiales au sens du code l’environnement.
Neuf, si, en effet, la déviation faciliterait des déplacements, rien ne permet d’attester que les conditions de circulation sur la RD 703 soient à l’origine des difficultés économiques de la Dordogne ou constituent un frein à la fréquentation touristique du secteur de Beynac.
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En outre, les magistrats rappellent que la plupart des solutions alternatives, que le rapport du conseil général de l’environnement et du développement proposait, ont été mises en œuvre et que c’est heureux : interdiction de circulation des poids-lourds, qui utiliseraient l’été la RD 25 (excepté pour les livraisons), extension de la zone des 30km/h, présence d’un agent communal pour faciliter la traversée de la chaussée sur les passages cloutés, déplacement du marché, instauration d’un sens unique de circulation l’été dans la rue principale de Beynac, rectification du tracé de la voie au niveau du passage sous la voie ferrée à Vézac, création de nouveaux parkings, réservation de stationnements aux camping-cars, facilitation de la circulation rive gauche de la Dordogne, développement de modes de déplacement doux.
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Quant au risque d’effondrement des falaises, rien n’empêche d’effectuer des travaux de sécurisation.